En décembre 2023, le Hira Gasy est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité de l’Unesco. Une reconnaissance historique pour la culture malgache, mais dont les retombées se font encore attendre, comme l’explique Rasolofomanana Alfred Léonard ou Solofo Kavia de la troupe Rasoalalao Kavia.
Le Hira Gasy est désormais inscrit à l’Unesco, quelles en sont les répercussions ?
Notre troupe fait partie des entités qui ont contribué à la signature pour que le Hira Gasy soit inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco. Nous avons fait une vidéo avec Maison Culture du Monde, l’association en France en matière de patrimoine culturel immatériel. C’est une vidéo qui montre le vrai « Hira Gasy. » Jusqu’à maintenant, nous attendons les retombées. Nous ne savons pas encore quelles sont les suites, quelles sont les bénéfices pour nous, qui sont les responsables… Mais ce qui est positif, c’est que de plus en plus de jeunes sont attirés par nos spectacles et qui se rendent compte de la valeur du Hira Gasy dans la société actuelle.
Vous parlez de « vrai Hira Gasy » ?
Oui, car beaucoup de troupes ne gardent plus cette authenticité et les règles régissant le Hira Gasy. Il faut suivre une structure spécifique : le sasin-teny ou prélude aux applaudissements, le kabary ou discours, le reni-hira ou chant principal, le zanakira ou chant secondaire, le dihy ou danse et le vakodrazana.
Il y a également les costumes qui ont une signification particulière en référence à l’histoire même du Hira Gasy. A l’époque des rois, les Mpihira Gasy s’appelaient des Mpilalao, ils sont les messagers des rois auprès du peuple. Mais, à un moment donné, les Mpilalao se rendent compte que le peuple ne les écoute plus, car il n’y avait rien d’artistique dans leur démarche. Ils demandent donc aux rois de leur fabriquer des costumes reprenant la même coupe que les vêtements des rois, pour les hommes, et celui des reines, pour les femmes. Pour les hommes, une tunique militaire rouge et bleu à galons dont les tissus sont fournis par les Anglais. Un chapeau blanc pour marquer la pureté avec une bande noire où se trouvent les messages de tristesse. Pour les femmes, une robe longue à volants, de couleurs vives avec un lamba qui porte le message à délivrer au peuple.
Justement, des messages pour éveiller les consciences ?
Le Hira Gasy parle de la réalité sociale, politique et économique du pays. Nous parlons de l’insécurité, de l’éducation, des inégalités sociales, du mariage, de la corruption… à travers l’humour, la poésie, les chants, les danses. Par exemple, avec mon grand frère, nous avons composé le zanakira « Mpitarika posy sy sofera taxi » (Tireur de charrette et chauffeur de taxi) qui se disputent. A Tana, le public apprécie beaucoup le zanakira, c’est court et drôle. Par contre, dans les campagnes, le public adore le reni-kira avec toutes les moralités de l’histoire. Sinon, notre dernière chanson, c’est « Mety aminao fa tsy amin’ny hafa » (Ce qui te convient ne l’est pas forcément pour les autres). C’est une chanson qui parle plus de politique. Il faut aussi savoir que dans le Hira Gasy, il y a différentes scènes. Par exemple, la scène I parle de la relation entre parents et enfants, la scène II aborde les histoires de couples, la scène III parle de politique, la scène IV parle d’environnement… Un spectacle de Hira Gasy dure une heure.
Quelques mots sur la Troupe Rasoalalao Kavia ?
Mon père Rakotoarivo Kavia a créé la Troupe Rakotoarivo Kavia en 1944. Ensuite, c’est ma sœur, Rasoalalao Kavia, originaire d’Ampamanga qui a pris la relève en 1994. Nous sommes 9 enfants, quatre hommes et cinq femmes. Mais, c’est mon frère aîné appelé Raimanga Be Mpikabary, qui a une renommée à la campagne, et moi, Solofo Kavia qui sont les compositeurs de la Troupe. En même temps, je suis le manager. « Kavia » qui signifie « gaucher » car mon père était gaucher, mais aucun de nous ne le sont. Par contre, tous ses enfants peuvent jouer des instruments à la fois avec la main gauche et la main droite. Actuellement, la troupe compte quarante membres dont 10 femmes et 30 hommes.
Les projets ?
Pour cette année, nous restons à Madagascar pour les tournées annuelles avec les animations des kermesses, les levées de fonds pour les églises et les écoles, les famadiahana (retournement morts) qui débuteront à partir du mois de juillet. Nous n’arrêterons les spectacles qu’au mois d’octobre. En tout, c’est 165 représentations cette année. En 2025, nous irons à l’étranger pour montrer les nouveautés de la Troupe.
Propos recueillis par Aina Zo Raberanto
Contact : Solofo Kavia +261 34 28 232 16