Morengy Iarivo : Des combats qui unissent
4 mai 2025 // Grande Interview // 548 vues // Nc : 184

Le 6 avril dernier, la capitale accueillait la première édition du Morengy Iarivo. À cette rencontre, 14 combattants « Fanorolahy » venant de Diana, Sofia, Boeny, Alaotra Mangoro, Analamanga, Haute Matsiatra, Atsimo Andrefana, et quatre autres du public. Entre culture et fraternité, l’événement ouvre le chemin vers la protection et la professionnalisation de l’art martial malgache. Geoffrey Gaspard, organisateur et réalisateur, a basé plusieurs années de recherches et deux de ses films sur le sujet. Son ambition : capturer cet aspect de la culture pour mieux le transmettre.

©photo : Koezy Company

Quelle est l’histoire du Morengy ?
Le Morengy, d’après mes recherches, a été « créé » par les Sakalava Maroseranana, dans la région du Menabe, entre Morondava et Morombe vers les années 1600. Donc, le Morengy a 400 ans à peu près, ce serait le premier sport de combat traditionnel malgache. Puis, on le sait tous, ils se sont séparés : il y a eu les Zafinimena dans la région Menabe et les Zafinifotsy qui sont montés dans la région Boeny jusqu’à Diana. Quand les Sakalava sont arrivés dans cette région très cosmopolite de Diana, ils ont rencontré les Betsimisaraka, les Antakarana et s’y sont mélangés. Il commençait à y avoir des événements organisés dès le début des années 1900, dans les villages, les villes et en périphérie. On ne regardait pas les origines : si un gars savait se battre et qu’il pouvait gagner un peu d’argent, c’était l’idéal. Ça s’est passé comme ça et la colonisation n’a rien arrêté. C’est incroyable qu’il ait survécu tout ce temps sans trop être modifié.

Un art martial qui réunit ?
Il y a deux choses très importantes dans le Morengy : la discipline pour le travail et l’entraînement, et le fair-play. À la fin du combat, on soulève l’adversaire, chacun à son tour, même si on saigne ou si on est fâché contre l’autre. L’objectif, à la fin du combat, est d’aller boire une bière ensemble et socialiser. C’est la base du Morengy : ce n’est pas une discipline dans laquelle on s’entretue, sauf pendant les trois minutes de combat parce qu’un round dure entre trente secondes et une minute. Ce qui fait le Morengy, c’est le côté traditionnel, le « fomba » — les habitudes des combattants avant chaque confrontation — et la musique. Il n’y a pas de Morengy sans musique : avec le salegy, c’est comme si on sentait quelque chose monter, comme si on était au milieu du ring avec les gars. On vit le moment.

Le Morengy pour résoudre les conflits ?
Il y a cette conception du Malgache très calme qui, quand on le provoque, devient très violent. Là, on a deux écoles : le Morengy du Menabe, et celui « plus récent » des années 1960 et 1970 dans lequel on divisait un village en deux, soit Nord-Sud, soit Est-Ouest et on prenait des jeunes pour un jeu dans lequel il se battait. On appelait ça « Kilandagny » et « Tefatefaka », c’était pour les enfants de 10 ans, 12 ans dont les poings ne font pas encore très mal. Le Morengy se pratiquait la nuit, au clair de lune. On rameutait tout le village grâce au son d’un tambour, les combattants avançaient avec leur équipe et des voisins d’autres villages venaient. Tout le monde se rencontrait là et mangeait ensemble. Après, les petits commençaient et un peu plus tard, c’était aux grands. C’était un moyen de se regrouper, mais aussi de régler les conflits. Dans les villages, par exemple, s’il y avait des gens qui ne s’appréciaient pas, on allait régler cela au Morengy. Après la lutte, le conflit disparaissait. « Morengy » n’est pas le nom du combat, mais du tambour qui les a réunis : c’est un instrument cylindrique des deux côtés, en peau de zébu et en peau de chèvre, qui était tellement puissant qu’on pouvait l’entendre de loin. Malheureusement, il n’y en a plus aujourd’hui.

Des changements jusqu’alors ?
Ces 20 ou 30 dernières années, le Morengy s’est un peu plus professionnalisé. Il y a des combattants dont c’est le seul moyen de subsistance. Auparavant, les Fanorolahy n’avaient pas de gants, de bandes ou de protège-dents. Ils en ont maintenant, avec en plus, des shorts spéciaux et des protections au niveau des chevilles et des genoux. Il faut savoir que le Morengy est très proche du combat de rue : il n’y a pas de calcul, pas d’attente, c’est direct. Les protections et l’entraînement sont nouveaux. Il y a une professionnalisation de la pratique, ce qui génère une économie du Morengy dans les régions Diana, Sava, Boeny ou Sofia. Il est très vivant et évolue tous les jours. À présent, il y a des animateurs, des commentateurs, du marketing et même un Tam Tam qu’on a créé il y a quelques années : durant l’événement, on montre au public que les combattants sont arrivés, qu’ils sont en pleine forme, prêts à se battre et que le combat va se dérouler à tel endroit. On les met face à face pendant 15 à 20 minutes devant le public dans la rue, puis on reprend la route. C’est comme ça qu’on fait la publicité de l’événement. L’on remarque aussi l’entrée des femmes, les Fanorovavy au début des années 2000. Maintenant, on a des stars régionales, des combattantes.

Du Morengy de grande envergure à Iarivo…
Le Morengy est un jeu et une culture. Depuis 2015, il est reconnu par le ministère de la Culture comme un patrimoine immatériel national. Malgré cela, rien ne s’est encore fait. La raison qui m’a animé à travers l’événement était de faire connaître le Morengy. Cet art martial a des risques physiques pour les Fanorolahy et face à cela, si on ne protège pas cette culture, les Malgaches qui ne le connaissent pas pourraient l’interdire. En ce moment, il n’y a pas de règlements écrits comme au karaté. J’ai fait cet événement en travaillant avec les autorités de la culture et du sport pour faire en sorte que le Morengy se professionnalise, mais il y a aussi une part à faire des responsables de la santé et du tourisme sachant qu’il y a des étrangers qui combattent. Les acteurs du monde du Morengy n’approchent pas les autorités et vice-versa : moi, au milieu, en étant réalisateur, j’ai constaté ce problème et les conflits à cause de l’absence des règles écrites. Je pense qu’avec celles-ci, il y en aura moins et le Morengy sera plus protégé. De plus en plus de fans arrivent — on a accueilli 1 500 personnes au Morengy Iarivo. Moi, j’ai l’ambition de faire un événement beaucoup plus gros cette année. Je ne peux pas encore trop en parler, mais bien sûr, ce sera du Morengy.

Propos recueillis par Rova Andriantsileferintsoa

Facebook : Morengy Iarivo
Contact : +261 32 80 271 15

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