En relançant la filière apicole, Ilanga Nature a également professionnalisé le secteur. Procédures strictes, traçabilité, création d’emplois, protection de l’environnement sont les conditions nécessaires pour produire un miel qui s’exporte, explique Laura Razanajatovo, sa directrice exécutive.
La filière apicole repart pratiquement de zéro…
Il y a plus de 50 ans, Madagascar produisait et exportait des milliers de tonnes de miel, mais des problèmes de qualité et d’hygiène ont mené à un embargo de l’Union européenne en 1996, qui a quasiment tout stoppé. L’embargo a été levé en 2011 et nous avons relancé la filière en 2017 dans le le but de proposer un produit Made in Madagascar irréprochable. D’ailleurs nous ne produisons plus les quantités gigantesques d’autrefois. Mais ce qui nuit à la filière, c’est que cette approche qualitative n’est pas respectée partout. Certains producteurs continuent de proposer du miel frelaté avec de l’eau et du sucre, vendu à prix moindres. Cela déstabilise nos apiculteurs et fragilise la confiance des importateurs.
Concrètement, qu’avez-vous fait pour professionnaliser la filière ?
Nous avons investi dans trois centres de miellerie pour le traitement et le conditionnement du miel ainsi que dans deux mielleries mobiles pour l’extraction du miel, avec l’accompagnement du ministère de l’Élevage pour que les règles sanitaires soient respectées.
Deux mielleries SSM-Ilanga Nature sont opérationnelles à Antananarivo et à Manakara, la troisième est en cours de construction à Fort-Dauphin. Toutes ces unités ont été agréées, et à ce jour nous sommes le seul exportateur agréé pour l’exportation du miel vers la zone euro et les États-Unis. D’autres opérateurs font appel à nos services pour l’analyse, le traitement et le conditionnement de leur miel par notre miellerie agréée, mais aussi pour l’exportation vers l’Union européenne.
« Nous travaillons avec Ecocert pour la certification bio de nos ruchers »
Vous travaillez directement avec les apiculteurs ?
Nous évitons tout intermédiaire ou collecteur. Nous travaillons avec plus de 350 apiculteurs ce qui représente plus de 4 500 ruches à travers l’île. L’objectif est d’augmenter le nombre de nos collaborateurs et l’implantation de nos ruches. Pour cela, la protection des plantes mellifères est primordiale, surtout à notre époque où la population des abeilles est menacée. La préservation de l’environnement est notre priorité et nos apiculteurs deviennent les gardiens des forêts. Nous les accompagnons tout au long de l’année, nous les formons aux bonnes pratiques et à l’apiculture moderne pour garantir l’évolution de leur production. Nous leur mettons également du matériel à disposition, en particulier des ruches complètes modernes. Enfin, nous établissons ensemble un contrat d’engagement pour la production d’un miel de qualité, que nous leur achetons lors de chaque récolte effectuée par nos propres soins, grâce à nos deux mielleries mobiles. Le prix est accordé au préalable dans le contrat, renouvelé tous les ans. Il est très variable selon la région ou encore l’origine florale du miel, mais il varie actuellement entre 10 000 et 14 000 ariary.
La miellerie mobile est un gage de qualité…
Elle est indispensable pour l’hygiène. Trop souvent encore, l’extraction se passe à même le sol, en plein air, avec la poussière, l’humidité ambiante… puis le miel est stocké dans des bidons plastiques ayant déjà servi à stocker de l’huile. C’est pourquoi le miel proposé par les collecteurs sur le marché local est souvent fermenté. Au contraire, la miellerie mobile, installée sur un camion 4x4, est équipée pour que l’extraction se fasse dans les plus strictes conditions d’hygiène. Le miel est ensuite filtré et mis dans des bidons neufs réservés uniquement à cet usage, jusqu’à l’acheminement au centre de miellerie. Le but de la miellerie mobile est aussi d’aller au plus près des ruchers, qui sont souvent difficile d’accès. Nous avons également mis en place un système de déshumidification du miel, car les miels tropicaux sont souvent chargés en humidité (supérieur à 20 %), ce qui amène à la fermentation du miel et à la détérioration de ses valeurs nutritives. Nous avons aménagé des salles spéciales permettant au miel d’atteindre un taux inférieur ou égal à 18 %, qui lui permet de se stabiliser et d’avoir une très longue durée de vie, en conservant tous ses arômes et sa qualité.
Le reste du process est tout aussi contrôlé…
D’abord, nous refusons toute proposition de miel déjà récolté. Lors de la réception au centre de miellerie, des analyses internes sont effectuées par notre équipe qualité. Nous faisons également appel à l’Institut Pasteur, qui vient de se doter de nouveaux équipements pour l’analyse du miel. Ensuite, nous effectuons régulièrement des analyses par des laboratoires accrédités en France et en Belgique, tels que le Centre apicole de recherche et d'information (Cari), l’Anses et Qualtech, afin de vérifier l’origine florale du miel, s’il est bien monofloral, ainsi que l’absence de métaux lourds et de pesticides. Nous avons également mis en place un système de traçabilité directe, des ruchers à l’extraction jusqu’à la vente finale au consommateur. Enfin, nous travaillons avec Ecocert pour la certification bio de nos ruchers. Suite à ces analyses, nos miels ont par exemple obtenu plusieurs étoiles au classement du Cari et le miel d’eucalyptus a même obtenu la médaille d’argent à un concours international en Belgique.
Le marché international vous suit ?
Nous exportons le miel principalement en Europe occidentale, mais nous avons aussi des clients aux États-Unis, en Chine et au Japon. Le miel de Madagascar, riche de sa flore endémique et variée, se différencie par son goût et ses arômes. Les amateurs de miel qui l’ont goûté vous diront qu’il ne ressemble à aucun autre. En 2018, Madagascar a exporté plus de 90 tonnes de miel et l’année dernière 87 tonnes. Nous prévoyons d’exporter au moins 100 tonnes de miel cette année. Nous avons mis en place un modèle qui marche, et nous souhaitons le développer davantage.
Propos recueillis par Aina Zo Raberanto