Nomena Raharinjato est Hercule : c’est par ce surnom qu’on le reconnaît dans les événements. Mais si l’on entend un peu moins parler de lui, c’est parce qu’il n’est pas l’artiste sur scène, mais la main derrière tout ce qu’on voit. Régisseur depuis 2014, il va là où on a besoin de lui, dans tout Madagascar, pour prêter main-forte, organiser et s’assurer que tout se passe bien. Appréciez-vous le Fianar Reggae Festival ? Rencontrez une des têtes derrière !
Le métier de régisseur ?
Il existe plusieurs types de régie : général, vidéo, de site, d’artiste, ou de plateau. J’ai fait tout cela excepté la régie vidéo qui, je pense, ne se trouve pas dans mes compétences. Un régisseur peut être qualifié de directeur technique ou exécutif, comme il peut être un ouvrier. Je suis actuellement membre de l’association Sarondra, organisatrice du Fianar Reggae Festival, et régisseur à la Ony House Ambatobe : je m’occupe de tout ce qui est intendance et logistique - l’entretien, le nettoyage, l’hygiène, la sécurité technique – en touchant aussi la partie technique et l’organisation. J’ai également fait de la régie d’artiste : cela consiste à accompagner les artistes, les aider, devenir leur baby-sitter, calmer leur ego, mais aussi préparer leurs dossiers artistiques, leurs fiches techniques et leurs riders – un document regroupant leur besoin. La régie générale touche dans tout ce qui est organisation d’événement de manière globale, en commençant par une collecte d’informations, le repérage du site, allant jusqu’au rangement du matériel. Et c’est le côté un peu compliqué du métier : il y a un travail en amont, pendant et après. Dans tout cela, le régisseur a ses dix commandements.
Un travail avant, pendant, et après…
Oui, c’est au régisseur général de tout gérer : du repérage du lieu, de la négociation et du contact avec l’équipe technique, jusqu’au rangement du matériel. Il supervise l’événement afin qu’il se déroule dans les normes, s’occupe de la sécurité, et coordonne les moyens techniques, matériels et humains. Après, il s’assure que tous les artistes sont bien rentrés chez eux, que tout le matériel a bien été ramené auprès des propriétaires, et que rien n’a été oublié, égaré ou abîmé. À Madagascar, en général, le régisseur travaille seul : il fait un peu de tout, ses tâches ne sont pas exhaustives.
C’est un peu un homme ou une femme à tout faire. Il faut beaucoup d’humilité, de polyvalence, il faut être rigoureux, souple et à l’écoute. Et surtout, c’est celui qui doit anticiper et continuellement chercher des solutions : pour cela, toutes les informations doivent lui parvenir. C’est la personne qui fait face aux imprévus. Dans mon cas, j’ai participé à plusieurs types d’événements : des concerts comme l’International Reggae Day ou Unity Concert, des festivals comme le Libertalia, le Madajazzcar, l’Angaredona, le Fianar Reggae Festival, des compétitions comme le Beatbox Battle ou l’End of The Week, des expositions, des formations, des résidences artistiques, des mariages, des défilés de mode et des clips. J’ai également participé à une série avec Novegasy où je gérais le quotidien des plateaux pour que tout se passe bien (accueil des comédiens, la logistique, etc.) En tant que régisseur d’artiste, j’ai déjà été aux côtés de Mashmanjaka et d’Olo Blaky.
Une formation particulière ?
J’ai étudié la médiation culturelle à la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines de l’Université d’Antananarivo. Dès la première année, en 2014, j’ai commencé mon stage au Centre de Ressources des Arts Actuels de Madagascar (CRAAM) à Ankatso avec énormément de motivation. En 2017, j’ai participé à quelques formations avec le CRAAM, l’Indian Ocean Music MArket (IOMMA) et des intervenants du Stage OI : c’est à ce moment que j’ai compris que ce que je faisais, à l’époque, s’appelait comme cela : un régisseur. J’ai appris le métier, et m’y suis habitué en travaillant au CRAAM qui m’a, déjà, introduit au monde semi-professionnel. Plus tard, j’ai été encadré par des professionnels à Madagascar comme Rybota Ramalanjaona – ingénieur du son – ou Eric Rasoamiaramanana et Tanjona Rabearivony – régisseurs, tout en continuant à apprendre sur le terrain. Se concentrer sur le côté technique est un choix personnel : j’ai cette envie de tout gérer. Chaque événement m’a marqué, je les prends comme un examen : quand tout se passe bien, j’ai plus d’opportunités d’être appelé, et s’il rate, il y a cette dette morale – l’idée que j’aurais pu faire mieux. Les structures à Madagascar commencent à rechercher des régisseurs – d’ailleurs, aujourd’hui, chaque centre culturel a le sien. Avant, l’on ne savait pas que c’était un métier en soi : maintenant, ils ne sont pas beaucoup à savoir ce que c’est.
Un métier difficile…
Le régisseur n’a pas vraiment de statut, malgré tout le travail qu’il doit faire – comme je l’ai dit – en amont, pendant, et après. Ce métier nécessite d’être fort mentalement, moralement et physiquement. C’est un vrai sport ! Mais il me permet aussi de vivre correctement, sans compter que dans toutes ces tâches, il y a aussi de bons moments. J’apprécie particulièrement les échanges et les liens qui se sont créés grâce à ce travail. C’est cet aspect-là que j’affectionne dans le travail : je rencontre différentes personnalités et des gens passionnés. Ces moments de partage, surtout dans l’interculturalité, sont la meilleure partie. Il nous arrive de nous raconter nos vies, nos habitudes, je finis par les connaître. Il y a bien eu des moments un peu moins agréables : par exemple, la responsabilité me revient si un membre de l’équipe abîme le matériel, car c’est moi qui fais le lien avec les propriétaires. Mais de bons souvenirs, il y en a eu beaucoup : je pense particulièrement à une édition du Jazz à l’U où j’ai appris à tout gérer, pour une première fois, sans l’aide des aînés du métier, ou encore à la première édition du Beatbox Battle où Do B et moi étions les seuls à tout organiser. Pour tous ces bons moments passés en tant que régisseur, je reste, tant que je peux y répondre, ouvert aux appels. Sur le plan personnel, j’ai beaucoup d’autres projets, dont un rêve que j’espère reprendre : c’est mon petit secret pour l’instant. Le jeu continue !
Propos recueillis par Rova Andriantsileferintsoa
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