Lalaina Rafanomezantsoa : Danser, tout un art...
18 janvier 2024 // Arts de la scène // 5233 vues // Nc : 168

Svelte et passionnée, Lalaina Oliva Rafanomezantsoa fait ses pas dans la danse contemporaine à un très jeune âge. Aujourd’hui, à 29 ans, l’artiste continue de s’y mouvoir tout en partageant ses idées. De physique à philosophique, Lalaina Rafanomezantsoa prête ses mouvements pour une meilleure compréhension de l’art à Madagascar. Les projets lui affluent, mais la danse reste son arme suprême pour s’exprimer.

Les premiers pas ?
J’ai commencé à 11 ans, et comme beaucoup d’autres personnes, j’aimais danser, surtout durant les réunions de famille. Une de mes tantes a alors proposé de m’inscrire à une école de danse. Il n’y avait pas énormément de choix, mais nous sommes finalement tombés sur la Compagnie Rary. Inscription faite, nous n’avions aucune idée de la discipline, et c’est en y allant que j’ai découvert que je me suis lancée dans la danse contemporaine. J’ai commencé avec l’école Rary et Ariry Andriamoratsiresy, puis en intégrant la compagnie, j’ai essayé d’autres disciplines comme la danse de salon et la percussion. À 16 ans, j’ai dû faire un choix entre continuer la danse ou se concentrer sur mon baccalauréat. En essayant de les concilier, je ne voulais pas que ma décision crée un conflit au sein de ma famille, et surtout avec mon père qui tenait à ce que je reste concentrée sur les examens. J’ai arrêté la danse pendant deux ans, avant de reprendre par des ateliers avec des professionnels. J’avais grandi depuis, et il n’y avait plus de contraintes. Par des événements, j’ai rencontré Harivola Rakotondrasoa qui m’a accompagnée et m’a proposé, plus tard, en 2020, d’intégrer officiellement le projet DIHY.

Créer et déconstruire, ton processus de création ?
En y restant une année à l’école Rary, j’ai découvert que l’on me remarquait : à la fin de mon premier spectacle de fin d’année, on m’a appelé pour faire partie d’une pièce « Mpirahalahy mianala ». Tout cela s’est passé très vite, et je m’y suis plu, sans chercher ailleurs. En 2021, j’ai participé au Grand Stage Elatra Première Édition du projet DIHY. L’événement a rassemblé plusieurs danseurs de disciplines différentes, d’où en est ressortie une pièce chorégraphique « Todika », ma première création de groupe. Récemment, j’ai créé ma première pièce « Andriambavitany » inspirée de la chanson de Loharano, du même titre. Cette création a pris du temps vu qu’en phase de création, l’on est à la recherche de perpétuelles améliorations : elle a débuté en décembre 2022, pour se finaliser en avril 2023. Dans l’âme, je suis quelqu’un qui aime créer et déconstruire : par déconstruire, je veux dire que j’aime transformer les choses selon mes goûts, au lieu de les laisser à leur première version. Je donnais souvent des idées à ma mère et ma sœur, qui sont couturières : je n’avais pas la technique, mais les idées. De là, je me suis lancée dans la couture également, d’où la réalisation de quelques tenues de spectacle, dont celles de « Corps passage » cette année, et une partie de « Polychrome » en 2021. 

Quelles idées véhicules-tu dans la pièce Andriambavitany ?
Dans Andriambavintany, je me suis concentrée sur le genre féminin : comment la société met la femme sur un piédestal, pour ensuite la frapper. C’est l’image que j’ai eue en tête en la créant, et l’idée de base de la plupart de mes créations : comment l’on exploite et l’on se comporte envers les femmes, et la manière dont elles réagissent face à cela, et enfin le dépassement de cette situation pour réaliser qu’au final, c’est juste un humain. J’ai proposé Andriambavitany à des sélections internationales, en espérant qu’il y ait des retours. Je pense que chaque danseur contemporain a et doit avoir un message à faire passer avant de créer : les mouvements, la musique, le silence, tout ce qui fait la pièce portent un message. D’une certaine manière, c’est pour cette raison qu’ils maîtrisent plusieurs disciplines à la fois : dans mon cas, je suis également performeuse et chanteuse, mais toujours dans le même cadre.

La danse contemporaine, libre d’interprétation ?
Les messages partent d’un constat quotidien, de ce qu’on ressent, et veut exprimer, mais à un moment, la danse contemporaine reste libre d’interprétation, et c’est là l’idée même de la discipline : j’exprime tout ce que j’ai, à vous de prendre ce que vous voulez de ce que je donne. C’est également ce qui m’a marqué lors du spectacle Betro Elektriky en septembre, les remarques des professionnels ou du public étaient différentes de ce que nous avons écrits à la création : il y avait des choses que nos corps exprimaient, et auxquelles nous n’avons pas pensé au même moment. Je trouve que c’est ce qui rend l’art, en soi, magique : il y a des choses qu’on ne pense pas, mais qui sont belles, et la spontanéité et l’accord avec la vidéo mapping, ce sont des choses magiques que les yeux ne voient pas.

De l’art à la danse… des projets ?
Avec les membres du projet DIHY, nous ambitionnons de faire le tour de l’Île avec nos projets Betro Elektriky et Corps Passage. Comme Betro Elektriky a réuni des danseurs des quatre coins de l’Île dont René Farnési de Toliara à l’afro, Chacha d’Antsiranana à la danse urbaine, et Fantas Elif de Mahajanga au Dancehall, l’équipe s’est dit qu’il fallait que la pièce passe par ces lieux. Le défi reste dans la recherche d’une scène, vu que le spectacle s’accompagne au chant par Aynah, et combiné à la vidéo mapping. En attendant, le projet DIHY prévoit de participer aux événements ponctuels de la danse comme la journée mondiale de la danse. De mon côté, avec mon mari, nous avons fondé Hikiasy en 2021, une plateforme qui aide les enfants à découvrir et à développer leur talent en apprenant les bases de l’art. Tous deux artistes, nous avons vu ce qui nous a manqué, et pour favoriser les opportunités du milieu, nous avons pris cette initiative. Je trouve que la danse contemporaine comme l’art n’a pas encore leur valeur à Madagascar, et beaucoup les voit comme un hobby. J’aimerais changer cette vision. Il est vrai que les danseurs contemporains ne sont pas « à fond » dans le matraquage, mais nous travaillons de notre côté, et cela n’est pas à sous-estimer par les autres disciplines, auxquelles j’inviterais à échanger, à montrer une solidarité, pour, ensemble, ressortir des choses géniales. Pour les jeunes aspirants, dont la plupart utilisent les réseaux sociaux : je trouve que Tik Tok est génial, alors pourquoi ne pas l’exploiter à notre profit, qu’il ne disparaisse pas après quelques années, mais devienne une vraie plateforme pour notre art. La professionnalisation en art est dure, mais le soleil finira bien par se lever.

Propos recueillis par Rova Andriantsileferintsoa

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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