Aina Ramanampamonjy (Cétamada) « 80 % des déchets marins sont d’origine terrestre »
4 octobre 2020 // Nature // 4513 vues // Nc : 129

Selon un récent rapport de la Banque mondiale, la production de déchets croît de manière exponentielle et pourrait augmenter jusqu'à 70 % d'ici 2050. L’océan est fortement touché par cette pollution, notamment les côtes de Madagascar. Selon Aina Ramanampamonjy de l’association Cétamada, il est urgent de constituer une base de données sur les déchets marins à Madagascar.

Le dernier rapport prospectif de la Banque mondiale : « Quels gâchis 2.0 : un aperçu global de la gestion des déchets solides jusqu’en 2050 » est très alarmiste…  

En raison de l'urbanisation rapide et de la croissance démographique, la quantité de déchets produits chaque année dans le monde atteindra 3,4 milliards de tonnes au cours des trois prochaines décennies (contre 2,01 milliards de tonnes en 2016). À Madagascar, la situation est d’autant plus alarmante qu’il existe très peu de systèmes de tri, de collecte et de traitement des déchets. Le milieu marin est directement impacté puisque 80 % des déchets retrouvés en mer sont d’origine terrestre et plus de 80 % sont constitués de matières plastiques.

Votre projet de suivi et d’évaluation des déchets marins vise précisément à mesurer leur impact sur l’environnement…
Il pallie un manque patent d’informations en ce domaine. Il a été lancé en 2019 pour une durée de trois ans, en partenariat avec le CEDTM (le Centre d’études des tortues marines) de La Réunion et la WIOMSA (Western Indian Ocean Marine Science Association) qui le finance. On veut quantifier et déterminer l’origine des déchets observés sur les plages afin de constituer une première base de données sur les déchets marins à Madagascar. Un grand programme de sensibilisation est réalisé parallèlement auprès des communautés locales, des institutions publiques et privées, des écoles et du grand public.

Quelle est la méthodologie ?
Les études sont réalisées sur deux types de plages, habitées et inhabitées ; on y suit l’accumulation des déchets pendant dix jours successifs avec un protocole bien strict. Notre équipe s’intéresse à trois types de déchets : les macro-déchets (tout ce qui est retrouvé sur la plage et qui dépasse la taille de 2,5 cm), les méso-déchets (les déchets qui sont déjà en phase de dégradation mesurant moins de 2,5 cm jusqu’à 5 mm) et les micro-déchets (les déchets microscopiques que l’on retrouve à la surface de la mer). Les déchets sont collectés, triés par catégorie (plastique dur, plastique mou, textiles, caoutchouc, matériels de santé, mousse…), pesés et leurs origines déterminées autant que des inscriptions ou des marques sont encore visibles. Des sessions de campagne d’échantillonnage ont été réalisées sur quatre sites différents choisis par rapport à leur situation géographique : Nosy Boraha (Sainte-Marie), Tolagnaro (Fort-Dauphin, côté océan Indien), Nosy Be et Toliara (Tuléar, côté canal de Mozambique). Les études ont été réalisées avec l’aide des associations locales, des étudiants, des représentants des Fokontany et de la communauté locale, soit une authentique démarche participative.

Quel est le plus grand pollueur ?
Le plastique, assurément. Sur huit plages de 300 mètres chacune, 28 184 déchets ont été collectés, triés par catégorie et pesés. Le plastique dur (bouteilles, contenants de produits cosmétiques ou de produits ménagers) représente 38 %. En deuxième place, le plastique mou (emballages de produits ménagers et autres packagings alimentaires). Le résultat de Toliara diffère des autres sites car ici c’est le textile qui prend la première place (30 % des déchets collectés). Pour les 1 015 marques qui ont pu être   identifiées, il s’agit à 89,9 % de produits locaux en ce qui concerne les plages habitées. Les plages inhabitées suivent la même tendance, à l’exception de Sainte Marie ou les marques les plus représentées sont pour plus de la moitié des marques indonésiennes.

« On ingère jusqu’à 5 g de plastique par semaine, l’équivalent de la taille d’une carte de crédit… »

Quels sont les impacts concrètement ?
L’essentiel de l’oxygène de notre planète provient des océans par les phytoplanctons qui sont aussi de puissants alliés pour la lutte contre le changement climatique en capturant les gaz carboniques. Les déchets sont évidemment une grande menace pour eux, d’autant que les plastiques mettent jusqu’à 600 ans pour se dégrader. Ils se dégradent en microplastiques qui ne disparaissent quasiment jamais. Comme les macro-déchets menacent la mégafaune marine (baleines, dauphins, poissons de grande taille) qui les ingère accidentellement, les microplastiques touchent également tous les animaux marins ; ils sont notamment présents dans les huîtres, et les palourdes que nous consommons généralement crus. D’après une récente étude menée par WWF (World Wildlife Fund For Nature), l’Homme ingère jusqu’à 5 g de plastique par semaine (soit l’équivalent de la taille d’une carte de crédit) venant de divers apports, ce qui n’est pas sans incidence sur la santé humaine.

Comment cela se passe-t-il au niveau de la population locale ?
En plus des sessions de sensibilisations menées auprès du grand public, nous avons participé à des ateliers de travail avec les différentes parties prenantes afin de travailler sur des solutions communes. Les résultats préliminaires de notre étude ont été présentés auprès des producteurs d’emballages en plastique et des autorités, dans le but de réduire la production. Enfin, nous avons réalisé deux vidéos de sensibilisation : Mandrora mantsilagny zegny rô (Attention au retour de manivelle)  et  Bisky Fongitiky  à l’attention du grand public. Ces vidéos ont atteint plus de 50 000 vues, ce qui est une grande victoire car l’objectif est atteint.

La suite du projet ?
Toute l’équipe se prépare pour les prochaines sessions de collectes qui se dérouleront en novembre 2020 et en avril 2021. Nous préparons également les publications scientifiques de nos résultats et bien sûr, nous insisterons sur la sensibilisation qui est le point clé du projet. Notre devise pour Madagascar :  aucune action n’est petite si nous sommes 27 millions à l’entreprendre.

Propos recueillis par Aina Zo Raberanto

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Décembre arrive et, comme chaque année, Madagascar se réveille culturellement.
Soudainement, les salles de spectacle se remplissent, les artistes sortent du bois, les concerts s’enchaînent. C’est la saison des festivités de Noël mêlant sacré et profane, et des expositions de dernière minute. Bref, tout le monde s’active comme si l’année culturelle se jouait en un seul mois. Et franchement, il y a de quoi se poser des questions. On ne va pas se mentir : les artistes malgaches ne sont pas là uniquement pour nous divertir entre deux repas de fête. Ils bossent, ils créent, et à leur niveau, ils font tourner l’économie. Le secteur culturel et créatif représentait environ dix pour cent du PIB national et ferait vivre plus de deux millions de personnes. Pas mal pour un domaine qu’on considère encore trop souvent comme un simple passe-temps sympathique, non ?
Alors oui, ce bouillonnement de décembre fait plaisir. On apprécie ces moments où la création explose, où les talents se révèlent, où la culture devient enfin visible. Mais justement, pourquoi faut-il attendre décembre pour que cela se produise ? Pourquoi cette concentration frénétique sur quelques semaines, alors que les artistes travaillent toute l’année ? Des mouvements sont actuellement en gestation pour revendiquer leur statut d’acteurs économiques essentiels et pour que l’on accorde à nos créateurs une place réelle dans la machine économique du pays. La culture malgache vaut bien mieux qu’un feu d’artifice annuel. Elle mérite qu’on lui accorde l’attention qu’elle réclame douze mois sur douze.

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