La troisième édition de Take Out Kere s’est déroulée en novembre dernier reliant Tuléar à Morondava, un parcours d’environ 460 km à vélo. Une initiative solidaire dans le but de récolter des fonds pour permettre aux familles dans le sud de Madagascar d’avoir accès à l’eau potable. Rencontre avec Naivosoa Rakotoasimbola, membre du Club 41 de Toamasina et organisateur de l’événement.
Comment est né le projet « Take Out Kere » ?
Le projet Take Out KERE est né lorsque deux membres du Club 41 Toamasina, Fafa Ralitera et Eric Waibel, ont parcouru en moto le sud profond de Madagascar après la pandémie de COVID-19 en 2021. Au cours de ce voyage, ils ont été témoins de l’extrême famine et du manque d’eau qui sévissent dans cette région. Fafa Ralitera, originaire de Fort-Dauphin et grand sportif, avait déjà effectué en 2019 un trajet en vélo de 1000 km en solitaire entre Toamasina et Fort-Dauphin, par goût de l’aventure. Après leur périple, Fafa et Eric ont partagé leur expérience avec les membres du Club 41, décrivant la détresse de la population. Profondément touché par ce récit, le Club 41 de Toamasina a décidé de lancer un projet pour venir en aide à ces communautés défavorisées. Ainsi, le projet Take Out KERE, qui signifie « chassez la famine », a vu le jour. L’objectif est de récolter des fonds auprès de donateurs pour financer des infrastructures durables à Ambovombe, région la plus frappée par la sécheresse. Pour attirer l’attention des sponsors et des donateurs, nous avons choisi un défi original : faire le tour de Madagascar à vélo.
Un petit retour sur les éditions précédentes ?
La première édition, en 2021, a eu lieu sur un trajet de 1000 km entre Toamasina et Fort-Dauphin en longeant le littoral. Les trois participants — Fafa Ralitera, Georges Magot et Joel Rakoto — ont pédalé pendant dix jours, passant par Vatomandry, Mahanoro, Mananjary, Manakara, et bien d’autres localités jusqu’à Fort-Dauphin. Cette première édition a permis de construire une réserve d’eau de 50 000 litres dans la commune d’Antsingivilahy, à dix kilomètres d’Ambovombe.
En 2023, la deuxième édition s’est déroulée entre Fort-Dauphin et Tuléar, soit 600 km. Sept participants, dont moi-même, ont rejoint l’aventure, parcourant les étapes en huit jours. À la suite de cette édition, deux réservoirs de 45 000 litres ont été construits dans les localités d’Ankilemamy et d’Ankilemiavotse, à quelques dizaines de kilomètres d’Ambovombe.
Qu’en est-il de cette troisième édition ?
Nous avons continué l’aventure avec un parcours entre Tuléar et Morondava. Nous étions 12 au départ dont quatre femmes. Si lors de étapes précédentes nous faisions entre 60 et 90 km par jour, cette année, les étapes ont dû être adaptées en raison du manque d’infrastructures d’hébergement dans la plupart des villages traversés. Nous avons eu des étapes courtes, comme Tuléar-Mangily, et d’autres beaucoup plus longues, jusqu’à 120 km, comme Mangily-Befandriana Sud. Les trois premières étapes sur la RN9 récemment rénovée ont été relativement simples, bien que marquées par une chaleur intense dès le matin. Les dernières étapes, entre Manja et Morondava, ont été beaucoup plus éprouvantes en raison de la chaleur et des routes sablonneuses. Certains participants ont même dû être transportés dans des véhicules d’assistance pour préserver leur santé. Malgré ces difficultés, l’arrivée à l’Allée des Baobabs a été magique. C’est un moment de soulagement et de fierté pour nous tous, avec le sentiment d’avoir accompli notre mission.
Le manque d’eau, une urgence à résoudre ?
L’objectif principal du projet est d’aider les populations du sud de Madagascar qui souffrent de la famine. Après plusieurs réunions pour définir nos priorités, nous avons constaté que le manque d’eau potable est la plus grande urgence. Sans eau, il n’y a pas de vie possible, d’où l’idée d’apporter une solution durable pour fournir de l’eau potable. Au début, nous envisagions de creuser des puits, mais l’eau qui en sortait était saumâtre et impropre à la consommation. Forer pour trouver de l’eau potable aurait nécessité des équipements coûteux et complexes à entretenir. La solution la plus adaptée s’est donc révélée être la construction de réservoirs d’eau. Les camions-citernes desservent déjà les villages, mais sans réservoirs, les habitants n’ont que quelques bidons pour stocker l’eau, couvrant à peine deux ou trois jours de besoins. Grâce aux réservoirs, les familles disposent d’eau pour trois semaines, voire un mois. Aujourd’hui, chaque réservoir alimente environ 600 familles, organisées en mini-coopératives pour autofinancer la livraison des camions-citernes. Un bidon d’eau coûte désormais 400 ariary au lieu de 2000 ariary, et les fonds collectés permettent de financer les prochaines livraisons.
Et la suite ?
Le volet sportif du TOK3 est maintenant terminé, À court terme, il nous faut concrétiser nos efforts en construisant les réservoirs d’eau dans les localités identifiées. Nous espérons clôturer la phase de collecte de dons des sponsors d’ici fin décembre et commencer la construction dès janvier 2025. Pour le long terme, notre objectif initial étant de faire le tour de Madagascar à vélo, nous allons commencer à planifier la prochaine édition, qui devrait se dérouler sur l’axe ouest et nord-ouest. Face à l’ampleur de la famine dans le Sud, notre contribution reste modeste, mais nous espérons que notre action sensibilisera d’autres initiatives, publiques ou privées, à se joindre à nous dans la lutte contre la famine dans le sud de Madagascar.
Propos recueillis par Aina Zo Raberanto
©Photos : Take Out Kere
Facebook : Take Out kere