Mino Rakotoarisoa : Une voix dans les étoiles
2 novembre 2022 // Musique // 8117 vues // Nc : 154

Mino Rakotoarisoa appartient à cette catégorie rare de sopranos qu’on appelle coloratures. Capables d’atteindre la virtuosité d’une flûte (enchantée ?) tant dans les aigus que dans les trilles. Un talent rare qu’elle partage, en toute humilité, avec La Callas.

C’est à l’occasion de la première édition du concours de chant, Les Grandes voix lyriques d’Afrique, organisé par Africa Lyric’s Opera en avril dernier au palais de la Porte-Dorée à Paris, que Mino Rakotoarisoa a pu révéler au public international son extraordinaire talent de soprano léger, la voix de femme la plus aigüe dans l’art lyrique, doublée de colorature, c’est-à-dire capable de la plus grande virtuosité dans l’ornementation des notes. Elle était accompagnée pour la circonstance d’une autre chanteuse lyrique, Aniana Malalaharisoa, et c’est au milieu de 18 autres participants de 12 nationalités africaines différentes qu’elles sont parvenues à se hisser en demi-finale, face à un jury présidé par la soprano Patricia Petibon, composé de directeurs d’opéra, de chefs d’orchestre, de professionnels et d’artistes lyriques.

Mino Rakotoarisoa a interprété « Mein Herr Marquis », une aria tirée de l’opérette « Die Fledermaus » (1874) du compositeur autrichien Johann Strauss II. « C’est une oeuvre que nous avions étudiée pendant la masterclass de Kyung Sun Choi, une soprano coréenne de la Manhattan School of Music, grande finaliste à l’audition du Metropolitan Opera de New York en 2009. Je ne pouvais pas être à meilleure école. » Lancée en 2007, Africa Lyric’s Opera est une initiative de l’organisation Women Of Africa, visant promouvoir les artistes lyriques  africains ou de la diaspora africaine au service de l’opéra et de la musique classique en général.

Une pépinière de talents aux parcours souvent étonnant, comme celui de Mino Rakotoarisoa. qui découvre le chant lyrique après avoir assisté à un concert de Natacha Rajemison, Richard et Lova Raoelison à l’église d’Ambohimanarina. « J’étais impressionnée par leurs voix. J’ai ensuite intégré la chorale de l’église, puis différents ensembles vocaux privés comme Maestria, Lyrica Icanto, Chœur Miangaly et Diapason. » Mais c’est sa rencontre avec la pianiste Mirana Randria qui marque le vrai début de sa carrière. « Elle m’a convaincue de la suivre à l’Anglican Music Institute où elle enseignait le piano et où j’ai suivi des cours de 2009 à 2019. Les études devaient durer cinq ans mais entretemps, je me suis mariée et je suis devenue maman. »

Travaillant en parallèle le piano et la voix, elle découvre toute l’étendue de son registre. Elle se rend compte qu’elle peut atteindre les notes les plus élevées, correspondant à la tessiture de soprano colorature, tout en trilles et vocalises, à la façon d’une flûte.  « Je peux atteindre les toutes petites notes rapidement. Caro nome, l’air de Gilda dans Rigoletto de Verdi, écrit pour une soprano colorature dramatique et immortalisé par La Callas, est l’exemple même de cet art si particulier où la voix doit créer à la fois le glamour et le timbre de la flûte. »  

La jeune femme n’hésite pas à se perfectionner auprès des plus grands  professeurs, comme Yves Senn du conservatoire de musique de Neuchâtel, en Suisse, où elle suivra une formation au sein de l’Avant-Scène Opéra, compagnie professionnelle d’opéra et académie d’art lyrique. « Après la formation, j’ai participé à différentes séries de concerts, marqués par de beaux moments, comme l’interprétation de Ruhe Sanft mein holdes Leben de Mozart et Bella figlia dell’amore, le quartet dans Rigoletto. »

En 2018, avec neuf autres malgaches, elle arrive en demi-finale au concours Voix Nouvelle organisée par le Centre français de promotion lyrique à La Réunion. « Quand je vais à l’étranger, on me dit souvent que nous, Malgaches, avons des voix hors normes. Et beaucoup sont étonnés que les chorales malgaches soient majoritairement constituées de très jeunes alors que l’univers classique passe plutôt, en Occident, pour être d’un certain âge. Les jeunes forment, chez nous, un très bon public, les Concerts de midi organisés par Madagascar Mozarteum en témoignent. » Trop jeune elle-même pour penser à la relève, Mino Rakotoarisoa n’en travaille pas moins pour la transmission de l’art lyrique malgache.


Aina Zo Raberanto

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Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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