5 - La nuit s'étiolait doucement, laissant place au tumulte des premiers rayons matinaux, nous rappelant à la réalité malgré les échos persistants des tourments de la veille. Une journée de labeur nous attendait, mais avant d'y faire face, nous avions décidé de garder le silence sur les événements de la nuit précédente et de laisser le mystère suivre son cours. La journée s'étira dans l'effort et la fatigue, mais le crépuscule ne nous apporta aucun répit. En anticipation de la nouvelle nuit, nous prîmes soin de positionner la fenêtre de manière à pouvoir surveiller les alentours. Les événements de la veille nous avaient rendus prudents, scrutant chaque recoin et verrouillant minutieusement la porte. On a décidé de ne pas faire partie de l'énergie qui animait la cour, habituellement partagée avec les jeunes du village. À la place, on avait préparé le dîner dans le silence, suivi d'un repas nocturne, avant que nous ne nous réfugiions dans notre chambre commune, l'ouïe aux aguets, conscients de la nécessité d'une vigilance constante.
Cette fois, une précaution particulière fut prise : satisfaire tous les besoins avant de s'enfermer pour la nuit. Il était hors de question de se risquer dehors après la dernière soirée troublante. La porte fut soigneusement verrouillée à double tour, et malgré nos matelas dispersés dans la pièce, nous nous rassemblâmes, unis par une prudence commune. La nuit s'abattit enfin, accueillant nos esprits fatigués. Tout était calme jusqu'à ce qu'une heure insoupçonnée réveille mes sens.
Je me retrouvai, à ma terreur, totalement immobilisé, l'esprit embrouillé, prisonnier de ma propre chair. Conscient de ma situation, je tentai en vain de bouger, de me libérer de l'étau invisible. Les mains, les jambes, chaque fibre de mon être refusait de répondre à ma volonté. Toute tentative de mouvement était vaine. Un poids invisible s'abattait sur moi, tandis qu'une main fantomatique enserrait ma gorge, étouffant tout cri. Le désespoir m'envahit alors que je me questionnais sur une possible domination par quelque force surnaturelle, celle d’une sorcellerie par exemple, comme la croyance populaire le mentionne. Cependant, mes recherches antérieures m'avaient renseigné sur des causes plus terre-à-terre : des déséquilibres du taux de calcium et de magnésium ou alors des spasmes des gros vaisseaux qui irriguent les poumons peuvent engendrer ce genre de symptômes. Je ne voulais donc pas y croire. Mais, malgré mes efforts mentaux, l'emprise persistait, renforcée par chaque résistance. La panique m'étreignait, l'air devenait rare, et mes tentatives de crier « À l’aide ! » restaient étouffées.
Alors que tout espoir semblait perdu, une main salvatrice saisit mon épaule. Un sursaut m'envahit, et soudain, je me sentis libéré de ce poids oppressant. La propriétaire de la main se révéla être la jeune fille. Elle semblait être agacée par mes murmures incessants, mais en même temps elle était apeurée, se plaignant d'entendre des pas à l’extérieur, signe à nouveau d'une présence non souhaitée. Mes autres compagnons, quant à eux, dormaient profondément, inconscients de l'épreuve que je venais de traverser. Assis, je reprenais péniblement mon souffle. J’entendis distinctement le son des pas qui perturbaient ma sauveuse, alimentant ainsi mes pensées fébriles.
« Quelqu'un tente de nous faire une sinistre farce », chuchotai-je.
Mes idées s'embrasèrent lorsque soudain, je me suis souvenu de notre précaution : la fenêtre par laquelle nous pouvions observer l'extérieur. Alors que je voulais bondir de mon matelas, mon désir de lever le voile sur le mystère fut contrarié. J’étais cloué, mes jambes étaient récalcitrantes, tremblantes d'une peur qui menaçait de m'engloutir.
6 - La « sorcière » qui se faufilait à l'extérieur déployait une force redoutable. L’étreinte de son intimidation, insaisissable mais ô combien palpable, nous enserrait, moi et ma camarade, nous poussant presque à la folie. Figés dans l'attente, impuissantes face à cette menace invisible, nous étions condamnés à demeurer spectateurs de notre propre destin. Après un intervalle interminable, la sorcière semble avoir mis fin à son étrange rituel. Le silence retomba enfin, libérant nos muscles et apaisant nos esprits. Par chance, cet épisode macabre demeura l'unique perturbation cette nuit-là. Nous avions donc pu trouver un peu de répit et jouir d’un sommeil réparateur. Les jours et les nuits qui suivirent s'écoulèrent également dans une relative quiétude. Ou alors, c’est nous qui ne se sont plus trop laissées perturber, comme si nous avions appris à danser avec les ombres de cette terre mystérieuse.
Portés par la confiance acquise au fil de nos expériences, nous décidâmes enfin de rendre visite à un autochtone, réputé pour sa bonne étoile et son aura. Préalablement contacté, il nous assura de la faisabilité de notre but en évoquant l’exemple d'autres âmes intrépides qui avaient jadis arpenté ces terres, assoiffées des mêmes quêtes de mystères qui nous habitaient. Nous entreprîmes donc la rencontre avec ce guide qui, selon les dires, avait déjà éclairé la voie à d'autres chercheurs du paranormal.
Après un accueil chaleureux, dans l'intimité de son refuge, nous partageâmes avec lui les phénomènes étranges qui avaient ponctué notre séjour. À l'issue de notre récit, il répliqua sombrement :
« Je vois ». « Êtes-vous donc toujours prêts à explorer les mystères de ces terres ? » poursuivit -il.
Cette question, délicate à toute âme avide de connaissances ésotériques, suspendit notre souffle. Face à l'incertitude des défis qui se dressaient devant nous, le quatuor demeura silencieux, méditatif. Finalement, le plus audacieux d'entre nous brisa le silence, en posant la question cruciale :
« Mais ne risquons-nous rien ? Existe-t-il la possibilité que ce ne soit que nos corps inertes qui soient renvoyés d'où nous venons ? »
« Assurez-vous, vous ne risquez rien » répondit sereinement le guide. Sa propre aura d'assurance illuminant la pièce. « Je serai votre guide, pourvu que vous fassiez preuve de courage et de force mentale face aux mystères qui vous attendent dans ce village, il n’y a aucun danger » poursuit-t-il ensuite.
Après un petit moment de pose où il nous offrait la possibilité de nous plonger dans les méandres de nos pensées, méditant sur la voie à suivre, il nous interrogea de nouveau scrutant la profondeur de notre motivation.
« Alors, qu'en dites-vous ? »
Pris dans une réflexion collective, une atmosphère pesante s'installa. Conscient de l'hésitation qui planait, le guide ajouta avec sérieux :
« Vous pourriez croiser des lolovokatra (zombies) ou peut-être pas. Ce que je peux vous assurer, c'est que les nuits ici réservent bien des mystères. Des créatures étranges se révèlent quand la nuit enrobe ce village. »
Au terme de cette entrevue, notre décision fut prise. Nous nous aventurerions, une nuit, pour rencontrer ces entités fantastiques qui façonnaient la réputation de ce lieu. Notre guide, avec une conviction indomptable, promit de démontrer que la détermination et l'aura humaine surpassaient celles des sorciers.
7 - Depuis mon jeune âge, les expériences paranormales ont façonné mon existence, suscitant en moi un intérêt naturel pour les arcanes mystiques. Un flux incessant de questions énigmatiques a toujours envahi mon esprit. Donc, lorsque j'ai fait la connaissance de ce jeune guide, l'excitation s'empara de moi. Chacune de ses paroles, énigmatiques et intrigantes, captivait mon être avide de découvertes. Comme ultime recommandation, le jeune guide nous enjoignit d'apporter tout objet auquel nous croyions pouvoir nous protéger. Lui, de son côté, opta pour un long sabre, confiant en cette lame qui n'avait jamais trahi sa confiance. « Si cela avait été le sabre de quiconque d'autre », confiait-il avec une conviction palpable, « je n'aurais pas ressenti cette confiance. » Il nous incita également à avoir foi en lui, quelles que soient les visions ou rencontres étranges qui jalonnent notre chemin. « Ne fuyez pas, » ajoutait-il, « vous reviendrez de cette expérience plus fort mentalement que jamais. »
Une date fut fixée, le jour J arrivé, nous nous rendîmes chez lui pour passer la nuit. Il convient de noter que le jeune guide était entouré d'une petite famille. Quand les aiguilles de l'horloge pointèrent les 23 heures, il nous tira de notre sommeil engourdi.
« C'est l'heure où le peuple de la nuit s'éveille » murmurait-il. « Le moment est venu de partir, de rejoindre l'autre village qui se dresse à l'extrémité. Là-bas, d'autres entités partagent le même territoire. Notre exploration nocturne s'étendra donc sur environ un kilomètre. »
Quand il nous a réveillés, une léthargie persistait en nous, accompagnée du désir fugace de changer de cap. L'idée de sortir dans la nuit, en direction d'un autre village, faisait naître, pour ma part, des frissons d'appréhension. Sincèrement, la perspective de faire face à une éventuelle manifestation surnaturelle risquait fort de me plonger dans l'évanouissement. Notre petit groupe traînait des pieds, hésitant quant à la volonté réelle de s'aventurer dans cette nuit mystique. Toutefois, nous nous rappelâmes que notre présence, venant de Tananarive jusqu'à cet endroit éloigné, n'était pas simplement dictée par des obligations professionnelles, mais également par le désir de vivre une nuit exceptionnelle aux côtés de ce guide indigène.
Après quelques instants, la peur et la torpeur s'évaporèrent. Nous retrouvâmes notre confiance, et dans un élan partagé, nous décidâmes de nous lever et d'entreprendre ce périple mystérieux. Le guide s'arma et avança devant la porte. Avant notre départ, il prononça ces paroles glaçantes :
« Dès lors que vous franchissez le seuil de cette porte, le chemin en sens inverse vous sera interdit. Quoi qu'il advienne, vous n'aurez pas d'autre choix que d’avancer. »
(À SUIVRE)
Les faits relatés dans les histoires sont réels et ont été vécus par les narrateurs.