Âme Sœur
22 décembre 2024 // Mistery // 4758 vues // Nc : 179

Cela fait maintenant des années que j'ai vécu cette histoire, mais je m'en souviens comme si c’était hier. Comme beaucoup, j'ai connu l'amour, mais celui que j'ai partagé avec Hasiniala était singulier. Ce n'était pas une histoire d'amour ordinaire : c'était une histoire interdite. Nous l'avons cachée aux yeux de la société, de nos proches, et surtout de nos parents. Nous nous sommes aimés profondément, aussi bien de son vivant qu’après son départ vers un autre monde.

1 -Tous mes souvenirs sont encore très vifs. C’était un mardi, le premier jour de cours à la faculté. Ce fut notre première rencontre. Elle n’était pas dans la même filière que moi. J’étudiais les langues et la culture, tandis qu’elle, elle était inscrite en hôtellerie et tourisme. Elle venait d’une école privée, mais s’était transférée ici pour un sujet de master 2 qui correspondait mieux à ce que notre faculté proposait. Elle était tellement belle ! Tous les garçons de la promotion la remarquaient, moi y compris. Bien sûr, elle avait un très joli visage et un corps généreux, mais ce qui m'attirait surtout, c'était son caractère. Sociable et souriante, elle allait facilement vers les autres, contrairement aux filles que je connaissais. Moi, au contraire, j’étais réservé et calme, peu bavard et pas spécialement avenant. Je n’étais ni un coureur de jupons ni un modèle de sagesse.

Ce jour-là, elle est arrivée légèrement en retard. Tout le monde était déjà assis, et elle a pris la première place libre… juste à côté de moi. Je ne savais pas comment réagir.

Dès que nos regards se sont croisés, j’ai senti mon cœur chavirer. Un véritable coup de foudre. Mon visage s’est figé, je suis devenu rouge comme une tomate. Elle avait ce regard, ce sourire… une perfection. Rien qu’en écrivant ces mots, j’en frissonne en me rappelant ces images.

« Excuse-moi, cette place est libre ? » demanda-t-elle d’une voix douce et envoûtante, qui m’a transporté ailleurs.
Je n’entendais plus rien d'autre, captivé par sa beauté.
« Si ça ne te dérange pas, j’aimerais m’asseoir ici, je préfère éviter d'être au premier rang. »
Je n’ai même pas réussi à répondre. Elle continuait de parler avec cet accent de la région d'Antemoro, débitant ses phrases sans me laisser une chance de répondre. Et tant mieux, car je n’aurais su quoi dire.

Dès ce premier jour, on nous a assigné un devoir en groupes de quatre, et j’ai eu la chance d'être dans le sien. Elle était la seule fille du groupe. Dès cet instant, nous sommes devenus de très bons amis : elle, moi, et nos deux autres camarades de groupe.

Après trois mois, cette amitié s’est transformée en amour. En vérité, nous étions amoureux depuis notre premier regard, c’était évident. Même nos deux amis nous taquinaient à ce sujet, mais nous faisions semblant de ne rien ressentir. J'étais cependant trop timide pour lui avouer mes sentiments. Ce n’était pas par manque de confiance, mais parce que notre différence d’origine pesait sur mes hésitations. Elle venait d'une autre région que moi.

2 - Nos familles respectives étaient très traditionnelles et attachées aux origines ethniques. Aristocratiques et conservatrices, elles voyaient d'un mauvais œil les mariages interethniques. Hasiniala, en tant qu’Antemoro, n’était censée s'unir qu’à un homme de la même ethnie. Je vous raconte cela pour que vous compreniez le contexte.

Conscients des obstacles, nous avons préféré garder nos sentiments pour nous. Nous savions que si notre relation venait à se savoir, surtout auprès de nos parents, cela causerait de graves problèmes. Nos familles n’auraient jamais accepté une union entre ethnies différentes. Pourtant, cela n'altérait en rien notre complicité : nous nous disions tout, sans rien nous cacher. Nos camarades de classe percevaient bien notre lien, même si personne ne le mentionnait ouvertement. À l’université, chacun respectait cette règle tacite : ce qui se passe ici reste ici.

Avec le temps, nous avons commencé à nous voir de plus en plus en dehors des cours, cachés dans les ruelles de la grande ville. Plus nous nous voyions, plus notre amour devenait évident. Ces moments volés avaient une saveur unique.

« Que ferons-nous si nos parents découvrent notre relation ? » me demandait-elle, soucieuse.
« Peu importe, je t’aime, c’est tout ce qui compte. » répondis-je avec douceur, malgré l'inquiétude qui pesait en silence.
Nous éclations de rire, comme pour balayer cette incertitude. Mais au fond de nous, nous savions que nous étions prêts à affronter les conséquences.

3 - À mesure que les cours devenaient plus intenses, notre amour nous manquait tant que nous délaissions parfois les études pour profiter de notre relation. Cette clandestinité rendait notre amour encore plus palpitant.

Un jour, elle m’a proposé de sortir la nuit :
« Et si on sortait une nuit entière ? »
« Et qu’on restait jusqu’à l’aube ? » répondis-je en souriant, complice.

Nous avons donc convenu de sortir un vendredi soir, sous prétexte d’une soirée d’anniversaire organisée par une camarade de promo. Après un passage rapide à la fête, nous nous sommes éclipsés discrètement pour aller à l’hôtel. Dès que nous avons franchi le seuil de notre chambre, nous avons laissé libre cours à notre amour. Cette nuit-là était un rêve, un moment d'intensité pure.

Au petit matin, la réalité nous a vite rattrapés. Une fois rentrée chez elle, Hasiniala a été sévèrement réprimandée, et dès lors, sa famille la surveillait de près. Son grand frère, notamment, la surveillait à la faculté, rendant nos moments ensemble encore plus rares.

Un jour, alors que ses parents partaient en voyage à Farafangana et que son frère rendait visite à sa petite amie, Hasiniala m’a invité chez elle. Nous avons enfin pu passer du temps ensemble sans restriction. Ces moments d’insouciance et de bonheur furent de courte durée, car son frère est revenu plus tôt que prévu et nous a surpris. Furieux, il m’a frappé violemment, et je me suis enfui en hâte, à moitié habillé.

Peu de temps après, ses parents l'ont obligée à retourner à Farafangana. Je n’ai appris la nouvelle que par des camarades, une semaine plus tard. Dès que j'ai su, j’ai décidé de la rejoindre, sans prévenir ma famille, avec seulement l’argent emprunté à mes amis et mes quelques économies. Tout ce qui comptait pour moi, c’était de la revoir et de lui parler.

(A SUIVRE)

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Décembre arrive et, comme chaque année, Madagascar se réveille culturellement.
Soudainement, les salles de spectacle se remplissent, les artistes sortent du bois, les concerts s’enchaînent. C’est la saison des festivités de Noël mêlant sacré et profane, et des expositions de dernière minute. Bref, tout le monde s’active comme si l’année culturelle se jouait en un seul mois. Et franchement, il y a de quoi se poser des questions. On ne va pas se mentir : les artistes malgaches ne sont pas là uniquement pour nous divertir entre deux repas de fête. Ils bossent, ils créent, et à leur niveau, ils font tourner l’économie. Le secteur culturel et créatif représentait environ dix pour cent du PIB national et ferait vivre plus de deux millions de personnes. Pas mal pour un domaine qu’on considère encore trop souvent comme un simple passe-temps sympathique, non ?
Alors oui, ce bouillonnement de décembre fait plaisir. On apprécie ces moments où la création explose, où les talents se révèlent, où la culture devient enfin visible. Mais justement, pourquoi faut-il attendre décembre pour que cela se produise ? Pourquoi cette concentration frénétique sur quelques semaines, alors que les artistes travaillent toute l’année ? Des mouvements sont actuellement en gestation pour revendiquer leur statut d’acteurs économiques essentiels et pour que l’on accorde à nos créateurs une place réelle dans la machine économique du pays. La culture malgache vaut bien mieux qu’un feu d’artifice annuel. Elle mérite qu’on lui accorde l’attention qu’elle réclame douze mois sur douze.

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