Pour lui, la photographie est un médium puissant qui lui permet de véhiculer des messages fort parlant à la conscience collective. Aventurier de l’image, il n’hésite pas à traiter de sujets allant à contre-courant de cette société formatée par l’uniformité du regard commun.
« J'ai choisi dès le début de renoncer au traitement d'une actualité brûlante ou de masse. J'ai fait le choix d'un travail en toute indépendance sur des sujets de fonds, en prenant tout le temps nécessaire. » Voyager et aller là où les gens ne vont pas constitue la démarche de l’artiste. Depuis 2007, il décide d’explorer le monde, de multiplier les expériences et les terrains. Il est bien sûr influencé par les grands noms de la photographie comme Pierrot Men ou Reza Deghati, mais il a su développer son propre regard. « Rencontrer les intouchables en Inde, les Indiens Arhuacos de Colombie en zone interdite, aller dans les favelas de Rio de nuit, rencontrer les tribus en Amazonie, les nomades dans le désert du Sahara, retourner pour la onzième fois chez les Vezo à Saint-Augustin… cela fait partie de mon questionnement personnel. Mais pour cela, il faut quitter sa zone de confort, oser aller loin, là où personne n’ose aller pour tenter de voir et apprendre à voir. L’idée reste de transformer l’expérience en conscience. »
Né au Niger d’un père français et d’une mère malgache, François Maurel a grandi dans la diversité. Il a vécu dans 18 pays africains et une dizaine d’années en France. Depuis cinq ans, il habite au pays. « Mon lien avec Madagascar est indéfinissable, il coule dans mes veines et dans mon cœur. Ici, tout est propice à la photographie. Le peuple est chaleureux, contrairement à beaucoup d’autres pays. » En 2013, il commence un sujet profond sur les Vezo, vivant avec eux durant près de 15 mois en mer sur la côte ouest. Il a pu naviguer depuis Saint-Augustin au sud de Toliara et remonter jusqu’à Morondava. Ce travail a été exposé en France, à Rio de Janeiro (Brésil) dans les favelas de Santa Marta et l’année dernière au musée de Copacabana.
« Madagascar a une résonnance mystérieuse et comme envoûtante dans le monde. Le Brésil est lié sans le savoir avec ce pays. Le fameux groupe de musique Olodum a d’ailleurs écrit une chanson sur la Grande Île en 1991. J’ai ensuite exposé les Brésiliens des favelas de Rio dans le quartier de La Réunion Kely, à Tana. Une sorte d’atelier de rue improvisé pour donner une identité et une attention. »
François Maurel continue de parcourir le monde pour des expéditions encore plus intenses et engagées. « Je voudrais aller en Papouasie Nouvelle-Guinée, terminer un documentaire vidéo sur les indiens chamans de la Colombie que j’ai débuté en 2018. Je souhaite également fédérer les acteurs de l’image engagée à Madagascar et créer un grand festival du continent africain à Madagascar en 2022. »
Propos recueillis par Aina Zo Raberanto