Gilberte Annie Ravakiniaina : « Des emplois nouveaux (et bien payés) contre la déforestation »
7 août 2022 // Entreprendre // 321 vues // Nc : 151

l’environnement est un des axes majeurs de la coopé- ration germano-malgache, nous rappelle le deuxième « Programme d’appui à la gestion de l’environnement » (Page 2/GIZ). Gilberte Annie Ravakiniaina, conseillère technique chargée de communication de Page 2, nous explique les enjeux d’une véritable économie verte pour le pays.

Qu’est-ce que Page 2 / GIZ ?
Page 2 est la deuxième phase d’un programme qui s’étalait de 2014 à 2020 et qui consistait à améliorer le cadre juridique et politique pour tout ce qui concerne la protection de l’environnement et de la biodiversité à Madagascar. Il se fait au sein de l’Agence de coopération internationale allemande pour le développement (GIZ). On peut dire que c’est l’un des plus grands programmes techniques bilatéraux entre Madagascar et l’Allemagne. Cette deuxième phase qui s’étend jusqu’en juin 2023 – se veut plus opérationnelle, elle met en œuvres les grandes orientations de Page 1. Elle vise notamment à trouver des sources de revenus alternatives pour les populations qui habitent autour des aires protégées et qui dépendent traditionnellement pour vivre des ressources naturelles qu’offre la biodiversité. Nous sommes convaincus que ce n’est pas en empêchant, de façon autoritaire, ces populations de couper les arbres ou d’incendier les forêts

(culture sur brûlis) que nous trouverons une solution à la déforestation. Il faut les intégrer comme des partenaires à part entière. Dans le Diana et le Boeny, Page 2 permet déjà à 6500 ménages de se doter de sources de revenus alternatives qui les détournent de l’exploitation de ces ressources naturelles menacées. Avec le cofinancement de l’Union européenne, l’État fédéral d’Allemagne a mis 21 millions d’euros dans cette deuxième phase du Page.

Le but étant d’installer une « économie verte » ?
Tout à fait, dans l’optique d’une gestion durable des ressources naturelles et d’une bonne gouvernance environnementale. Le programme développe ainsi des activités nouvelles comme la production de bois d’œuvre et de construction, de bois d’énergie, mais aussi de baie rose, de moringa, d’anacarde (noix de cajou, mahabibo). Nous soutenons également la production apicole dans ces deux régions. Le but est aussi d’aider ces paysans à écouler leurs productions, notamment avec le secteur privé. Grâce à ce programme, on a pu créer 70 centres ruraux pour la collecte et la commercialisation de charbon «vert». Plus de 7000 personnes, dont un tiers de femmes, ont pu bénéficier d’un emploi supplémentaire dans l’agroforesterie, c’est-à-dire une activité mêlant sur une même parcelle agricole, de façon équilibrée, arbres, cultures et élevage.

Quel est l’enjeu du « charbon vert » pour Madagascar ?
Le Page a alloué des centaines d’hectares de terrains reboisés afin que les charbonniers n’aillent plus chercher dans le noyau dur de l’aire protégée. À partir de cela, ils produisent un type de charbon plus propre. Ils utilisent des fours de carbonisation à chambre de combustion externe (Green Mad Retort ou GMDR) qui permettent d’avoir trois fois plus de rendement comparé aux méthodes classique, d’émettre moins de gaz à effet de serre et donc, au final, d’abattre moins d’arbres. Nous avons construits 46 de ces fours à Antsiranana et à Ambilobe.

Comment ces changements sont perçus côté paysans ?
En 2021, le « charbon vert » a généré plus de 8,1 millions d’ariary de revenu net par producteur. C’est évidemment très appréciable. De façon générale, la très grande majorité de nos partenaires (trois sur quatre) estiment que leurs revenus sont bien meilleurs ainsi. Dans la filière miel, les 231 apiculteurs que le programme a soutenus dans la région Boeny ont vu leur production doubler avec une production atteignant les 7 000 kilos. Idem pour les 200 paysans dans le Diana. À noter que parmi ces paysans, il y en a qui n’avaient jamais fait d’apiculture auparavant et d’autres qui ont bénéficié de formations pour renforcer leurs capacités. Rien que dans l’apiculture, 430 paysans ont été accompagnés depuis 2020 par le Page. À noter que quand on parle d’apiculture, cela concerne également la culture des plantes mellifères.

Quand les paysans revendent au secteur privé, qu’en est-il de la qualité de leurs produits et du respect des normes ?
Les conseillers techniques de Page 2 travaillent en permanence avec les paysans pour que les normes soient respectées. Des actions de suivi et des évaluations sont effectuées pour voir quels maillons de la chaîne de production sont encore à renforcer. Des formations en techniques de vente et en langue sont même prodiguées. Cela est plus facile pour instaurer des normes de production plus exigeantes, comme celles que demandent les entreprises privées, par exemple au niveau des calibres, de la périodicité et du packaging… C’est ainsi que dans le cadre de Page 2, les apiculteurs de Boeny et Diana ont pu établir des partenariats solides avec La Compagnie du miel, The Bee Keeper et la société Codal. Ceux qui se sont lancés dans la noix de cajou travaillent étroitement avec le groupement agricole Sahanala et avec la compagnie pétrolière Jovena qui pré- sente depuis deux ans leurs produits sur les rayons de ses stations-services. Pour ce qui est du moringa, la société Moringa Wave est un des principaux partenaires. Enfin, nos paysans participent sans complexe à des foires nationales et internationales aux côtés de firmes réputées.

Et après Page 2 ?
Nous espérons qu’une page ne sera pas tournée et qu’un Page 3 sera mis en œuvre dès juillet 2024, même si nous sommes d’ores et déjà persuadés que ces paysans disposent dorénavant d’une capacité de continuer durablement leurs activités sans nous. Le programme a travaillé de telle sorte qu’ils aient cette capacité de résilience, et nous sommes fiers du résultat.


Propos recueillis par Solofo Ranaivo

Mandaté par le Ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ), le Programme d’appui à la gestion de l’environnement (Page) est sous tutelle du ministère de l’Environnement et du Développement durable de Madagascar, au sein de l’Agence de coopération internationale allemande pour le développement (GIZ). Auprès de quatre régions prioritaires, Page/GIZ collabore avec les ministères, les régions et les communes touchées par les domaines d’intervention suivants : l’énergie renouvelable, l’aménagement du territoire, les petites mines artisanales, la météorologie. Le programme intervient ainsi dans les régions Diana, Boeny, Atsimo Andrefana et Analamanga. Sur les 7 451 personnes touchées par le programme, voici leur répartition par secteur d’activité :
Charbon vert : 4 230
Anacarde (noix de cajou) : 1240
Miel : 920
Moringa : 730
Baie rose : 240
Bois d’œuvre et de construction : 91

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