Alors que la pluie tombe en abondance, une équipe de cinéastes-explorateurs effectue une expédition au sein du massif karstique du Parc national des Tsingy de Namoroka. Une escapade organisée par Langaha Be, portée par l’association Tia Tany, soutenue par la Fondation Iris et la Société des Explorateurs Français.
Pour la première fois, une expédition de cinéastes-explorateurs s’est aventurée au sein du massif karstique du Parc national des Tsingy de Namoroka en pleine saison des pluies, période pendant laquelle cette région est impraticable via les moyens de transport motorisés habituels. Cette mission inédite, pensée comme un repérage pour une future exploration scientifique, marque un tournant dans l’histoire de ce site encore largement méconnu. Dix ans après la dernière mission réalisée en saison sèche, qui avait donné lieu à un film documentaire, les caméras sont revenues pour documenter la transformation du massif sous l’effet de la pluie. Une redécouverte totale du paysage, méconnaissable par la végétation en pleine explosion et la dynamique de la faune propre à cette période.
Compte tenu de l’inaccessibilité du site en cette saison, il a fallu imaginer une alternative aux modes de transport utilisés précédemment. Les 4x4 ont été remplacés par 16 charrettes à zébus, imaginées et construites pour l’occasion, combinant caractéristiques traditionnelles et besoins spécifiques de l’expédition. Pour atteindre les abords du massif, l’équipe a parcouru 135 kilomètres par la mer, puis affronté plus de 24 heures à bord de ces fameuses charrettes avant d’apercevoir les Tsingy. La progression autour du massif, soit 200 kilomètres, a été rendue possible grâce à la contribution indispensable de 32 zébus, 16 charretiers, 5 pisteurs et guides, et 2 cuisinières, tous issus du village enclavé de Vilanandro, ainsi qu’au soutien de Madagascar National Parks.
Aux côtés de cette équipe locale, 6 membres de l’expédition ont assuré l’organisation, la logistique et la captation du voyage. Quatre tonnes de matériel ont été nécessaires pour assurer plus d’un mois d’autonomie : équipements de bivouac, matériel scientifique, dispositifs audiovisuels, vivres. Chaque jour, campements et itinéraires étaient choisis en fonction du terrain et des possibilités d’accès aux zones d’intérêt, dans des conditions rendues difficiles par la boue, l’humidité et les obstacles naturels. La lenteur imposée par ce mode de déplacement a permis une immersion profonde dans le rythme du lieu et l’observation attentive de la faune et de la flore.
Une biodiversité révélée
L’expédition a permis de documenter des zones habituellement inaccessibles en cette période et de révéler une biodiversité exceptionnelle et insoupçonnée. Des centaines de papillons, une forte abondance de reptiles, amphibiens et arthropodes en tous genres, des baobabs et orchidées en pleine floraison, des lémuriens à foison profitant d’une végétation luxuriante, des crocodiles habituellement retirés dans leurs grottes, sortis pour rejoindre les lacs temporaires et s’y nourrir avant que ceux-ci ne disparaissent à nouveau… Autant de diversité que ce site a à offrir.
L’expédition portait également une forte composante éducative et humaine, chère à la vision adoptée lors de la conception du projet. Un partenariat a été établi avec l’école primaire de Vilanandro à travers des actions de sensibilisation à l’environnement ainsi que des dons. Les habitants du village jouent déjà un rôle actif dans la préservation du site, et de nombreux enfants aspirent à devenir guides à leur tour. Cette transmission de savoirs et de valeurs constitue une base essentielle pour l’avenir durable de la région.
Une suite scientifique
Cette aventure donnera lieu à un nouveau film documentaire, réalisé par les mêmes auteurs que celui de la dernière mission en saison sèche, présenté lors du festival du film d’exploration de Lumexplore, en France, avant d’être partagé à Madagascar et au-delà. Il vise à témoigner de la richesse écologique et humaine de Namoroka et à renforcer la visibilité internationale de ce site peu connu.
Cette expédition inédite a ouvert une nouvelle page dans l’exploration du massif des Tsingy de Namoroka, que les scientifiques auront l’opportunité de prolonger en 2026 lors d’une mission attendue impatiemment. Ce sanctuaire de pierre, d’eau et de vie a encore beaucoup à révéler à ceux qui prennent le temps de l’écouter.
Textes & Photos : Marc Gansuana / Malou Guerraz