À un moment, pas loin de chez nous, quelqu’un est décédé. C’était une mère morte en couches et son bébé, mort-né avec elle. C’était la femme de l’un de nos amis alors, nous avons pris nos responsabilités pour l’aider à organiser les obsèques. C’était en pleine période de pandémie et donc, il n'y avait pas grand monde à sa veillée funèbre. Vers vingt-et-une heures, la nuit était déjà très calme et le flux des visiteurs s’estompait quand la séduisante Madame « Manja » entra.
1/ Elle s'appelle Mme Pine, mais tout le monde l'appelle la séduisante Madame « Manja », car elle est d’une beauté à couper le souffle. Elle est venue avec sa fille unique pour se recueillir auprès de la défunte et sa famille, après cela, elles ont rejoint l’assistance et prirent place dans le funérarium. Les gens qui s’y trouvaient chantèrent, et quand personne ne chanta, les proches faisaient bourdonner des chansons chrétiennes. À 23 h 00, je ne sais pas ce qui est arrivé à « Manja », mais elle s’est rapprochée du corps du défunt et à commencer à pleurer à chaudes larmes. Pourtant, elles n’étaient pas si proches que ça. C’est Salema (la dite défunte) et sa fille qui fréquentaient la même église et qui étaient amies. Elle s'est accrochée au lit de la défunte et elle pleurait à n’en plus finir, sans raison. Cependant, à son arrivée on n’a vu aucune once de tristesse dans ses yeux, aucun pleur. Nous, nous étions juste sur le côté et nous avons remarqué qu'elle tirait discrètement les cheveux de Salema. C’était curieux. Que voulait-elle faire au corps du cadavre ? On a bien vu qu’elle faisait semblant d’embrasser et de verser des larmes de crocodile sur le visage de la défunte. Entrefaite, elle tirait sur ses cheveux. Elle voulait à tout prix en avoir une mèche. La scène a duré un temps avant qu’un homme de la famille décide de se rapprocher d’elle et lui a dit « S’il vous plaît Madame, n’appuyez pas sur son ventre au cas où de l’eau en sortirait, on lui a déjà fait la toilette mortuaire ». Il l’a tiré d’un coup sec pour qu’elle s’en écarte à la suite de quoi elle n'est plus revenue s’asseoir, elle est immédiatement sortie de la chambre funéraire. Des chuchotements se faisaient entendre parmi ceux qui ont vu qu’elle avait pris une mèche de cheveux à Salema. Elle n’avait pas vraiment pleuré autrement on aurait remarqué ne serait-ce qu’une lueur de tristesse dans son regard. Depuis, la nuit a progressé plutôt calmement. J’espérais que la pendule du temps vacillerait sans embûches jusqu’au lendemain, mais non ! Vers 1 heure du matin, un bruit très étrange à commencer à résonner à l'extérieur. Cela ressemblait à un bébé qui pleurait, ou alors à un chien qui languissait une sauterelle. Ce n’était pas très perceptible, on ne savait pas trop ce que c'était, c'était juste une sorte de gémissement qui nous glaçait le sang.
2/ Certains sont sortis de la maison pour aller y jeter un œil, mais le bruit s’arrêta aussitôt et ils se heurtaient aux néants. Seulement, aussi paranormal que ça puisse paraître, dès qu’ils rentrèrent, le bruit se reproduisit d’aussi belle. C’était flippant, on ne savait que faire. On était là, tapis au fond d’un sentiment de peur, complètement impuissant. Soudainement, « Manja » est arrivé (alors que nous pensions tous qu'elle était partie) et le bruit se coupa court. Elle semblait totalement indifférente au raffut angoissant qui avait retenti. Au lieu de prendre place, elle s’est portée volontaire pour aider à servir du café, juste de quoi tenir toute une veillée, à l’assemblée. L'homme qui lui a parlé plutôt, visiblement contrarié, lui a dit que quelqu'un le faisait déjà et qu’elle s’abstienne car son aide peut perturber leur organisation. « Manja », un peu déçue s’est donc résignée à aller chercher une place. Une fois le café servi, la chorale de l’église locale qui est venue chanter s’est levé. Ils étaient tous assez jeunes, une moyenne d’âge de 20 ans, je dirais. La maison où on se trouvait est légèrement étroite, alors les jeunes de la chorale ont dû mettre à dos le corps du cadavre, car ils devaient se mettre debout pour chanter. La mélodie du play-back remplit petit à petit le vide laissé par le silence des gens en deuil. La symphonie de la chorale commençait à apaiser nos cœurs mais aussi nos peurs lorsque tout à coup les lumières de toute la maison se sont éteintes. Les jeunes qui chantaient se sont tus brusquement. Le semblant de sérénité a cédé à la panique. La cohue générale commença et la bougie qui se tenait sur la table de chevet a été éteinte dans la bousculade. Toute la maison a sombré dans le noir la plus totale. Quelque temps après, les gens ont commencé à se servir de leur téléphone pour s’éclairer et les esprits se sont calmés petit à petit. Après environ trois bonnes minutes, la lumière revient enfin. La quiétude règne à nouveau. Une personne s’est donc levée pour aller raviver les flammes de la bougie, mais celle-ci s’arrêta net et a subitement poussé un cri cinglant ; le corps du bébé mort des suites de l’accouchement avait disparu ! Le même homme que tout à l’heure, déjà sur le qui-vive, s’est levé et a bredouillé : « C’est cette maudite femme, elle a pris le bébé ! ». Par ces mots, il a semé la confusion dans les esprits. Du brouhaha tintinnabulait, mais de qui parle-t-il ? « Manja » n'était plus là ! Il fallait réagir. Les gens se sont donc répartis en groupe pour chercher le corps disparu. Situation inespérée, ce dernier a été retrouvé au bout de seulement 10 minutes. Il a été placé à côté du corps sans vie de sa mère. Mais à notre grand regret ; ses yeux lui manquaient, ses cheveux étaient arrachés et sa langue était fendue en deux. La famille voulait en découdre et a appelé la police. Ils n'ont pas hésité à accuser Mme Pine. Cependant, ils n’étaient pas crédibles sans preuves.
3/ Je vais d'abord vous raconter comment tout le monde a commencé à penser que « Manja » est une sorcière. Elle s'est mariée et a eu trois enfants, deux garçons et une fille. Son mari est décédé et elle s'est remariée. A vrai dire, elle a eu sept maris en tout et tous sont morts. Son actuel et huitième mari est un étranger, il n'est pas encore mort aux dernières nouvelles. Ses deux fils sont également morts et sa fille s'est mariée et a donné naissance à un fils, mais elle l’a perdu aussitôt qu’il est venu au monde. Trois ans après le mariage, le gendre est également décédé. Tous les hommes de sa famille décèdent, tous sans exception. Les gens disaient qu'elle et sa fille étaient ce qu’on appelle des « mafana tratra » (traduction : celles qui avaient la poitrine dure). Personne n'osait se remarier avec sa fille, elle ne pouvait même plus avoir un copain, car si elle avait le malheur de sortir avec un homme, celui-ci mourrait soit dans un accident de moto soit par noyade. Elle est sortie avec au minimum cinq jeunes hommes, mais tous ont subi le même sort. Finalement, sa fille s'est consacrée à une vie de prière et a même bâti un ministère au sein d’une nouvelle église. Ce sont des gens riches, mais c’est, hélas, leur seul problème ! Si toutefois un homme voulait se marier avec elles dans un but lucratif, il retrouverait inévitablement la mort.
* Manja = Belle
(À SUIVRE)
Les faits relatés dans les histoires sont réels et ont été vécus par les narrateurs.