Le devoir de violence, Yambo Ouologuem
18 janvier 2025 // Littérature // 1918 vues // Nc : 180

Ce livre est l'un des plus grands classiques de la littérature africaine. Sujet à maints scandales, taxé de plagiat, de vulgarité érotique, un demi-siècle après, alors que les critiques ont été oubliées et moisissent dans leurs tombes, le chef-d'œuvre reste intact et parle comme hier d'une Afrique terrible, exposée dans sa nudité. Aujourd'hui, les mots de Yambo Ouologuem résonnent plus que jamais, amplifiés par le Goncourt 2021 obtenu par une œuvre où le cœur se trouve être Le devoir de violence sous la plume d'un Mohamed Mbougar Saar génial.

Une lumière crue

Après la dernière page de ce livre désormais légendaire, ma première impression a été l'abasourdissement. Jamais écrivain noir avant Yambo Ouologem n'a décri ainsi le passé de ce continent. Un passé où l'esclavage, les exactions, les pires atrocités : viols, exploitations brutales, génocides, sont le fait des Africains eux-mêmes. Ou si, mais ce fut alors l’œuvre d'un historien malgache dont tous semblent avoir tu le nom : Raombàna. Car Raombàna quand il appelle Andrianamponimerina l'usurpateur, narrant les perfidies de ce roi démiurge, remet les pendules à l'heure de la plus brutale des manières. Sous sa plume, hier devient tout d'un coup plus réaliste car les dorures affabulatrices sont tombées.

Dans Le devoir de violence, la vérité est crue. Le passé de l'Afrique est sanguinaire, non par des mains blanches, qui ont hérité des armes du crime, mais par des mains noires ; non par le christianisme, mais par l'islam, par les traditions ancestrales. Car nous-mêmes avons vendu nos frères, nous-mêmes avons violé nos sœurs, trahi nos pères et assassiné nos mères. Et avant que ne s'achève l'ouvrage, Kassoumi, un des personnages clés, commet un péché œdipien. Il achète sa sœur dans un bordel, et eux deux sans le savoir, comme s'ils avaient oublié leurs liens de parenté, comme nous tous, amnésiques de nos racines ensanglantées, orphelins de notre humanité, copulent.

Le devoir de violence est donc un miroir cruel, où les prétentions nombrilistes, les mirages d'un passé sans tache, s'effondrent. L'Afrique apparaît alors dans sa réalité désencombrée de toutes parures, de toutes affabulations. La négritude battue en brèche de la plus belle manière y est égorgée sublimement.

Un texte d’une poésie sans faille

Le devoir de violence, au-delà de sa profondeur philosophique et de sa justesse violente, est d’une poésie exquise. Le langage, sans être déstructuré, restant même très formel, soutenu, délicieusement distingué, est manié par un génie discret, qui, sans être violent, en fait ce qu'il veut. Conduit à la manière d'une prière, la prose semble, par moment, devenir incantation, par d'autres, litanie rituelle, et parfois, délirante extase. C’est une œuvre qui démontre en somme que la limite entre roman et poésie est une ligne de démarcation caduque.

En définitive, ce roman est un ouvrage d'une cruauté salvatrice qui appelle à nous regarder, nous Africains, avec un regard juste. D'une saveur complexe, bien loin des facilités insipides, c’est une œuvre qui traversera l’éternité.

Les critiques d'Elie Ramanankavana

Poète / Curateur d'Art / Critique d'art et de littérature/Journaliste.

Laisser un commentaire
no comment
no comment - Un mois dédié au théâtre à Antananarivo

Lire

10 mars 2025

Un mois dédié au théâtre à Antananarivo

L’Alliance Française d’Antananarivo et l’Institut Français de Madagascar, en collaboration avec la Compagnie Miangaly Théâtre, célèbrent le théâtre so...

Edito
no comment - Earth Hour pour la Planète

Lire le magazine

Earth Hour pour la Planète

Beaucoup plus discrète que l’iconique Journée du 8 mars sans pour autant être un combat moins pertinent, le 22 mars reste une journée ou plutôt une soirée à noter dans son agenda. En effet, de 20h30 à 21h30 cette soirée-là marquera une célébration des plus simples, mais des plus symboliques. Durant une heure, tout le monde sera invité à éteindre la lumière et couper les appareils électroniques non essentiels, en réponse à deux doubles urgences : celle du changement climatique et celle de la perte de biodiversité.
Madagascar est doublement impacté, dans la mesure où nous sommes un écosystème à part entière et l’un des premiers pays où l’on voit la conséquence du changement climatique. Au-delà de cette célébration pour le moins assez particulière je vous l’accorde, c’est tout un combat qui doit être réalisé par tout un chacun afin de réaliser un véritable changement.
Limiter sa consommation de charbon de bois, ne pas jeter ses détritus n’importe où ou encore privilégier le recyclage, voilà des petits gestes qui valent beaucoup. Chers lecteurs, soyons le changement que nous voulons voir !

no comment - mag no media 10 - Février 2025

Lire le magazine no media

No comment Tv

Making of Shooting mode – Tanossi, Haya Madagascar, Via Milano – Août 2024 – NC 175

Retrouvez le making of shooting mode du no comment® magazine édition Août 2024 – NC 175

Modèles: Mitia, Santien, Mampionona, Hasina, Larsa
Photographe: Parany
Equipe de tournage: Vonjy
Prises de vue : Grand Café de la Gare, Soarano
Réalisation: no comment® studio
Collaborations: Tanossi – Via Milano – Haya Madagascar

Focus

Lancement de la saison culturelle de l’Alliance Française d’Antananarivo

Journée portes ouvertes et lancement de la saison culturelle de l’Alliance Française d’Antananarivo à Andavamamba, le 08 Février.

no comment - Lancement de la saison culturelle de l’Alliance Française d’Antananarivo

Voir