Deux cœurs dans mon corps, un premier roman mitigé
26 juillet 2025 // Littérature // 440 vues // Nc : 186

Deux cœurs dans mon corps de la poétesse Na Hassi vient de paraître aux éditions Project’île qui semble de plus en plus intéressées par la littérature Malgache en publiant en une année deux autrices originaires de la Grande Île, à savoir Na Hassi elle-même et Raozy Pellerin. Quant au roman de Na Hassi, la réussite de l’ouvrage est mitigée malgré ses qualités certaines

UN OUVRAGE AU SUJET SENSIBLE

En effet, Na Hassi y traite d’un sujet sensible devenu en l’espace d’une année ou deux le sujet le plus traité de la littérature malgache, le viol et l’inceste. Mais ce n’est pas que ça. Car on va au-delà, juste après quand l’enfant naît. Enfant, issu de la violence et du tabou. Enfant qui est le personnage principal, Marao.

Élevée par sa grand-mère, Marao va devenir jeune femme sous le poids d’un passé lourd et corrosif. À la mort de son aïeule, de son pilier, elle quitte la maison de son enfance et fait son deuil, plume à la main, tentant par la même occasion de solder ses comptes avec ses plaies, pour s’essayer à la guérison.

«Je m’adresse à mon ombre. J’ai enfin trouvé la force et le courage de parler de mon histoire, de mes tourments, de mes délires et de mes dérives. Le monologue n’a pas sa place dans un être situé en entre-deux. Un jour, le silence empor tera le corps et les pensées, et plus rien n’aura de sens.

Je ne veux pas attendre mes dernières heures pour parler. Entre mes crises d’asthme s’échappe le venin. Enfin. Ce poison m’a contaminée jusqu’à la moelle, jusqu’à ne plus pouvoir me tenir debout sans douleur. Il est temps de guérir, du moins de marcher vers la guérison, peu importe le temps qu’elle prendra.»

Et cette guérison vient peut-être mais seulement au bout d’un chemin où Marao se déclare «juste épuisée. Déjà fatiguée de tous ces espoirs à remplir, de toutes ces années à vivre et de ce présumé sens à donner à la vie». Et à la fin pourtant, l’espoir est bien là. Il est cette volonté, cette force, cette force de la volonté qui veut aller plus loin. Une poésie sans fin. Sans fond qui porte sur un chemin qui n’a de limite que soi-même.

«Assure-toi
De bien guérir
La toute première
Blessure
Pour que les suivantes
Ne deviennent
Une infection[…]»

UN ROMAN BIEN ÉCRIT MAIS INCERTAIN

En somme ce roman est agréablement écrit. Léger. Avec des touches de ponctuations bousculées. Des phrases tronquées. Qui épousent l’état d’urgence du personnage, sa déréliction, ses blessures. Des choix qui auraient pu être assumés jusqu’au bout, mais ce n’est pas le cas.

Par ailleurs, la structure peu commune pour un roman pose des questions quant à la cohérence. Y-a-t-il dans ce roman une histoire? Est-ce juste une confession? Et en cela est-ce un roman car même une confession doit aller quelque part pour se faire œuvre, sinon elle n’est qu’une plainte parmi les autres plaintes.

On aurait pu arguer d’une contemporanéité exigeante pour justifier cette incohérence car au final elle aurait pu être élevée en une véritable prise de position esthétique, toutefois, la narration, l’espace et le temps restent cohérents et logique.

Aucune audace stylistique et:ou structurelle réelle ne transparaît entièrement, l’écrivaine hésite. La confession ne reste qu’une confession. Et dans cette confession qu’est ce qui est confessé? Le viol, l’inceste, la mort? Tout cela en même temps? Le tout balance entre le délire et une histoire qui veut se raconter dans un ensemble confus. Des éléments comme le début du roman avec cette apparition du double du personnage principal, la scène sur la voie ferrée, vont ressortir comme des éléments enjoliveurs sans harmonie et qui n’apporte pas grand chose à l’ensemble.

En définitif, il s’agit d’un premier roman intéressant. Je vous invite à le lire, même si au fond on sent l’écrivaine tâtonner encore, on sent qu’elle ne mène pas son intention jusqu’au bout, sa plume vacille par moment. Ce qui est compréhensible pour un premier roman.

Les critiques d'Elie Ramanankavana

Poète / Curateur d'Art / Critique d'art et de littérature / Journaliste.

Laisser un commentaire
no comment
no comment - Télévision : Canal+ Madagascar élargit son offre

Lire

18 juillet 2025

Télévision : Canal+ Madagascar élargit son offre

Canal+ Madagascar continue de renforcer son bouquet pour séduire un public toujours plus varié. La plateforme a annoncé l’intégration de douze nouvell...

Edito
no comment - Déconnexion

Lire le magazine

Déconnexion

Chaque mois de juillet, un phénomène saisonnier bien malgache s’observe : la migration estivale des familles tananariviennes vers leurs villages d’origine. Loin du bitume, des bouchons et de la Jirama capricieuse, c’est le grand plongeon anthropologique. À l’arrivée, les enfants ouvrent des yeux ronds : « Quoi, on peut faire bouillir de l’eau sans micro-ondes ? » Feu de bois, bassine en plastique et douche à ciel ouvert deviennent soudain les nouvelles technologies de pointe. On redécouvre que l’on peut cuisiner sans vitro-céramique, que les zébus ont toujours la priorité, et que l’eau du puits, ça muscle les bras et l’esprit. Quant au réseau mobile, il s’obtient en grimpant dans le manguier le plus proche. Mais attention, pas question de se moquer. Ce retour aux sources est aussi retour à l’essentiel : repas partagés, récits de grand-mère, jeux sans écran. Et en bonus, un stage intensif en autonomie énergétique, bien utile pour affronter les coupures à Tana. Finalement, c’est peut-être le village qui est le plus en avance. Bonnes vacances… et bon bain (à la bassine) !

No comment Tv

Interview - Mama Rasta - JUILLET 2025 - NC 186

Découvrez Mama Rasta, étoile montante de la musique urbaine, dans le 𝗻𝗼 𝗰𝗼𝗺𝗺𝗲𝗻𝘁® NC186-juillet 2025. Ancienne danseuse, elle a entamé une carrière solo en tant que chanteuse depuis 2022. En plein tournage de son prochain tube, elle accorde une interview rapide à 𝗻𝗼 𝗰𝗼𝗺𝗺𝗲𝗻𝘁®.

Focus

Star tour à Antsonjombe

Star tour à Antsonjombe dans le cadre de la fête de la musique.

no comment - Star tour à Antsonjombe

Voir