Christian Olivier Mahefa « Tout à gagner avec la noix de cajou »
6 décembre 2022 // Entreprendre // 793 vues // Nc : 155

(Re)devenir d’ici 2025 l’un des dix premiers exportateurs mondiaux de noix de cajou (anacarde). C’est l’ambitieux projet que se donne Madagascar, aidé par l’ONG internationale Nitidae. Une idée à la noix ? Pas du tout, explique et prouve Christian Olivier Mahefa, coordonnateur de projet.

La filière de l’anacarde (noix de cajou) semble reprendre des couleurs ?
Avec le concours de l’État malgache et de l’Union européenne, un projet de développement de la chaîne de valeur anacarde été mis sur pied en 2020. Ce projet baptisé Madanaca est actuellement dans sa deuxième phase, avec une dotation de 500 000 euros sur deux ans. Il s’insère dans un programme plus vaste de développement de chaînes de valeurs agricoles et forestières pour l’amélioration du niveau de vie des ménages dans les régions Diana, Boeny et Atsimo Andrefana. Il faut savoir que plus de la moitié de la production nationale de noix de cajou vient de Diana, notamment du district d’Ambilobe. Le ministère allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) à travers le Programme de protection et d’exploitation durable des ressources naturelles (Pages) est très impliqué dans ce projet visant à développer la noix de cajou à Madagascar.

Cette amande qui est contenue dans la pomme de cajou, le fruit de l’anacardier, est très appréciée en Europe, en Asie et en Amérique du Sud, notamment comme apéritif ou pour son huile, c’est un marché considérable.

Vous prétendez que Madagascar peut (re)devenir un leader mondial ?
Le pays a toutes les cartes en main pour jouer à la table des grands exportateurs mondiaux. En 2021, nous avons exporté 10 000 de tonnes d’amandes brutes. C’est encore loin derrière le leader africain, la Côte d'Ivoire, et ses 30 000 tonnes d'amandes exportées, encore plus loin du Vietnam, le numéro un mondial avec sa production de 580 000 tonnes, suivi de l'Inde (66 000 tonnes), mais nous progressons à grands pas. Ce chiffre de 10 000 tonnes est déjà considérable quand on sait que ces noix de cajou proviennent d’anciennes plantations datant des années 1970-1980 et sont cultivées avec des méthodes traditionnelles, sans beaucoup de technique. Le projet Madanaca, qui a permis à Madagascar d’avoir 500 hectares de concession de plus en seulement deux ans (dans le district d’Ambilobe), recourt lui à des techniques de production, de transformation et de commercialisation beaucoup plus pointues, qui devraient nous permettre d’atteindre les 12 000 tonnes d’amandes exportées et donc de figurer dans la liste des dix premiers exportateurs mondiaux d’ici 2025. À l’heure actuelle, nous avons 11 000 hectares sous culture, mais la moitié ne produit pas encore.

On peut dire qu’avant « Madanaca », l’activité vivotait à Madagascar…
Madagascar a toujours été un pays à vocation « anacarde », mais les circonvolutions politiques l’ont toujours empêché de décoller. L’État malgache a tenté de relancer la filière anacarde dès 1968. À l’époque, la stratégie était encore de planter l’anacardier sur de vastes étendues de terrain dans le nord et l’ouest du pays. Mais à part une tentative d’industrialisation vers 1977, la filière est restée livrée à elle-même pratiquement jusqu’en 2020, c’est-à-dire sans progrès notables. Alors que la Côte d’Ivoire a commencé à relancer l’activité dès 2005 avec le succès que l’on sait. Aujourd’hui, nous avons conscience du trésor que représente l’anacarde, mais surtout nous avons la technique.

« L’Inde attend avec impatience que Madagascar revienne dans la course »

Quels atouts avons-nous sur ce marché très concurrentiel ?
Les grands pays importateurs attendent avec impatience que Madagascar revienne dans la course. L’Inde, qui est la première productrice mondiale, n’exporte pas sa noix de cajou, elle la consomme et en importe à peu près autant, ce qui en fait un excellent client. Le pays a déjà manifesté son intérêt particulier pour la noix de cajou « made in Madagascar ». Elle encourage sa relance et s’engage à nous l’acheter. Il est à noter que les 4 800 tonnes d’amandes brutes récoltées en 2021 dans la région Diana ont été exportées principalement vers l’Inde, mais aussi l’Europe, la Thaïlande et la Chine. De toutes parts, la demande est grandissante.

La qualité malgache va devoir suivre…
Beaucoup de choses restent à faire en matière de respect des normes. Par exemple, le marché international exige un calibrage entre 44 et 48 KOR (kernel output ration), et nos produits sont généralement plus petits. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise puisque ce sont les produits des anciennes plantations, cultivés selon les anciennes méthodes. Aujourd’hui, avec les formations et les accompagnements que nous donnons aux paysans, tout va dans le sens du respect des normes qu’il s’agisse de l’écart entre deux pieds d’anacardier ou le nombre de plantes par hectare… Ces producteurs reçoivent aussi des accompagnements pour la transformation et la commercialisation des noix de cajou.

Est-il possible de chiffrer ce marché ?
Selon les prévisions, le marché mondial de la noix de cajou brute devrait atteindre 7 milliards de dollars d’ici 2025, pour une production annuelle d’environ 4 milliards de tonnes. L’Afrique pèse pour plus de la moitié sur cette production. Ce marché a connu un léger recul à cause de la fermeture des usines de transformation, mais tous les spécialistes sont unanimes que le redécollage est imminent. Il faut savoir que la règlementation des prix n’est pas comme dans les autres filières, le prix du kilo change d’un pays à un autre. Les paysans malgaches vendent l’anacarde brute entre 3 000 et 5 000 ariary le kilo. Dans d’autres pays, comme la Tanzanie, les récoltes sont vendues aux enchères, ce qui n’est pas un mauvais système. Sur ce point comme sur d’autres, Madagascar est en situation d’observation, le pays est en train d’élaborer sa stratégie commerciale pour charmer le marché mondial.

Quel rôle joue Nitidae dans cette stratégie ?
Nitidae est une ONG internationale fondée en France en 1983 qui travaille dans plusieurs pays à travers l’Afrique et opère dans plusieurs filières, pas seulement la noix de cajou. Son objectif est à la fois la préservation de l’environnement et le renforcement des économies locales. Elle fournit également une expertise technique aux entreprises agroalimentaires Si l’ONG s’est vu confier le projet Madanaca, c’est qu’elle a une longue expérience de la culture de la noix de cajou en Côte d’Ivoire, ayant assisté et contribué à son développement fulgurant au cours des vingt dernières années.


Propos recueillis par Solofo Ranaivo

Laisser un commentaire
no comment
no comment - RANDRIANOTAHIANA Volaharisoa a reçu le prix national du concours international BIC ART MASTER

Lire

6 novembre 2024

RANDRIANOTAHIANA Volaharisoa a reçu le prix national du concours international BIC ART MASTER

La marque BIC© représentée par la SOMADIS son distributeur à Madagascar a organisé à la Cité des Cultures à Antaninarenina, le jeudi 31 octobre, la cé...

Edito
no comment - Une société inclusive, une responsabilité collective

Lire le magazine

Une société inclusive, une responsabilité collective

Chaque année, le 3 décembre, la Journée mondiale des personnes handicapées nous invite à une réflexion profonde sur l’inclusion, la dignité et les droits des personnes en situation de handicap. Bien plus qu’une journée de sensibilisation, elle constitue un appel à l’action pour bâtir une société réellement accessible à tous, où chacun peut vivre pleinement ses droits et ses aspirations.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus d’un milliard de personnes dans le monde vivent avec un handicap. Cela représente environ 15 % de la population mondiale. Pourtant, malgré ces chiffres, les obstacles à l’éducation, à l’emploi, à la santé et à la participation sociale demeurent omniprésents. La marginalisation des personnes handicapées n’est pas seulement une question de manque d’infrastructures, mais aussi de mentalités à transformer. « Debout ! », le reportage documentaire de la photographe et réalisatrice Felana Rajaonarivelo publié dans notre rubrique GRAND ANGLE fait partie des initiatives qui incitent à voir au-delà du handicap. Des histoires de femmes inspirantes, pleines de rêves et d’espoir. L’inclusion ne consiste pas uniquement à intégrer des rampes d’accès ou à adapter des outils de communication. C’est une démarche globale qui touche à tous les aspects de la vie : éducation inclusive, emploi équitable, accès à la culture, et reconnaissance pleine des capacités de chacun. Il s’agit de dépasser la charité pour embrasser l’égalité et la justice sociale. En sensibilisant dès le plus jeune âge, on favorise une génération future plus ouverte et respectueuse des différences.

no comment - mag no media 08 - Décembre 2024

Lire le magazine no media

No comment Tv

Making of Shooting mode – Tanossi, Haya Madagascar, Via Milano – Août 2024 – NC 175

Retrouvez le making of shooting mode du no comment® magazine édition Août 2024 – NC 175

Modèles: Mitia, Santien, Mampionona, Hasina, Larsa
Photographe: Parany
Equipe de tournage: Vonjy
Prises de vue : Grand Café de la Gare, Soarano
Réalisation: no comment® studio
Collaborations: Tanossi – Via Milano – Haya Madagascar

Focus

La 1ère édition du MAKUA FESTIVAL MUSIC

La 1ère édition du MAKUA FESTIVAL MUSIC organisée par SHYN et la Commune Urbaine de Toamasina du 31 octobre au 03 novembre

no comment - La 1ère édition du MAKUA FESTIVAL MUSIC

Voir