Sorcellerie (Suite)
26 décembre 2023 // Mistery // 1073 vues // Nc : 167

3 - Le village ne disposait pas d’électricité ; les habitants utilisaient des lampes à pétrole ou des bougies pour éclairer leurs soirées. Quelques chanceux avaient quand même la possibilité de tirer profit d'une faible électricité produite par une sorte de petite batterie. Après avoir illuminé sa chambre, la jeune fille s'endormit enfin.

Mes deux autres amis étaient encore en train de discuter, mais moi, je n'avais vraiment pas l'esprit à cela, je n'arrivais pas à être serein. Vers minuit, une envie pressante me saisit, et je demandai à mes amis de m'accompagner aux toilettes.
« Ah non, vas-y si tu le souhaites, nous n'avons plus l'intention de sortir. » répliquèrent-ils d'une voix résolue.

« Sortons ensemble, sinon je me réserve le plaisir de fumer toutes les cigarettes seul si vous ne décidez pas de m'accompagner. » tentai-je.

« Bon d’accord ! » Acceptèrent-ils en esquissant un sourire amusé.

J'ai donc accompli mes besoins, et une fois terminé, nous avons commencé à allumer nos cigarettes et à parler de tout et de rien. Après quelques minutes de silence, je ne saurais expliquer ce qui a traversé l'esprit de mon ami, mais il a brusquement projeté la lampe torche qu'il tenait fermement vers un petit buisson tapi dans l'obscurité, situé à une vingtaine de mètres de nous. Vous ne me croirez peut-être pas, mais savez-vous ce que nous avons découvert ? Une personne.

Oui, une personne, elle nous fixait. Il s'agissait d'une femme, vêtue d'une jupe, mais dépourvue de tout haut. Dès qu'elle a su que nous avions remarqué sa présence, elle s'est relevée promptement et s'est approchée de nous d’un pas décidé. Sauve qui peut !

Mes amis et moi avons immédiatement ressenti un frisson d'effroi parcourir nos échines. Pris de panique, nous nous sommes précipités vers l'entrée de la maison, nos cœurs sur le point de défaillir. On s'est bousculés, on s'est piétinés, et la porte semblait d'une exiguïté insurmontable à cet instant précis. Dès que nous avons franchi le seuil, nous l'avons refermée avec précipitation. Tout ce tumulte a éveillé la jeune fille ;

« Qu'est-ce qui se passe ? » demanda-t-elle d'une voix tremblante.

Elle, qui n'avait rien vu, était aussi terrifiée que nous et a commencé à crier d'une voix enfantine et épouvantée :

« Maman !!! »  Tout en courant se réfugier dans notre pièce.

Je vous le dis, en vous relatant ces événements, ils paraissent anodins, voire amusants, mais les vivre fut un véritable calvaire. Mes jambes étaient aussi molles que de la ouate, mon sang bouillonnait dans mes vaisseaux, ma vision était devenue trouble. Et comme si cela ne suffisait pas, le comble de l'horreur, c'est que nous n'avons pas pu verrouiller la porte avec la targette, nous nous sommes contentés de la claquer. Après quelques minutes de silence, l'estomac noué, les oreilles aux aguets, je pris finalement conscience de cette omission cruciale.

J’ai donc demandé d'un ton feutré :

« La porte a-t-elle été verrouillée ? »

Nos regards se croisèrent, empreints d'une lueur d'espoir, mais en vain ! Malédiction, personne n'y avait pensé ! La jeune fille était plongée dans une telle panique qu'à cet instant, elle aurait pu se vider sur elle, sans même savoir ce qui se tramait dehors. Je me tournai alors vers l'un des hommes, implorant qu'il referme la porte, mais il me rétorqua en jurant que j'étais le dernier à l’avoir franchi cette maudite porte. Mon esprit demeurait toujours en proie à l'agitation, mon cœur continuait à tambouriner, et je ne pouvais me résoudre à me lever. En fin de compte, la jeune fille supplia d'une voix tremblante :

« Je vous en prie, allez refermer la porte. »

4 - Personne n'osait parler fort, l'échange se faisait dans un chuchotement presque inaudible. J'ai rassemblé tout mon courage, essayé de calmer mon esprit, et pris une grande inspiration, suivie d'une expiration, espérant que cela puisse apaiser ne serait-ce qu'à moitié ma peur. J'ai alors murmuré discrètement à mon ami :

« Il faudrait qu'on y aille, il faut qu'on ferme la porte. Je n'ose même pas imaginer ce qui arrivera si la sorcière parvient à la franchir. »

Mon ami, toujours aussi enclin à l'humour même dans des circonstances critiques, me répondit en riant nerveusement :

« Depuis le temps qui s'est écoulé, je pense qu’elle doit déjà nous attendre, les bras croisés, dans la cuisine. »

À ces mots prononcés, la jeune fille manqua de s'évanouir. L'agencement de la maison ne jouait pas non plus en notre faveur. Dès qu’on y pénètre, on arrive dans la cuisine. Puis un long couloir s'étirait en direction des deux chambres. Mais il fallait réagir, nous avons donc décidé d’aller par étape et en groupe. Nous avons d’abord allumé une lampe à huile pour scruter les environs de la première chambre, sans noter le moindre signe de vie. Par la suite, dans l'autre chambre, malgré la vétusté, la fenêtre était soigneusement fermée. Nous nous sommes alignés les uns derrière les autres, confrontés au dilemme de savoir qui devrait être en tête pour avancer vers la cuisine, ultime étape mais pas le moins effrayante. Nous avons progressé prudemment, à petits pas, en scrutant le moindre son. À notre grand soulagement, cette dernière pièce était dépourvue de présence.

Mes yeux se sont immédiatement arrimés à la porte. Mon Dieu, elle n'était pas verrouillée, une invitation béante à l'horreur qui se trouvait derrière. Dès que cette sinistre réalisation s'ancra dans mon esprit, mon cœur s'égara en une course effrénée, tandis que mon corps, saisi par l'impératif de fuir, demeurait paralysé par l'ignorance de la direction à prendre. L'horreur de cette sensation était indescriptible : l'impuissance, la peur, le remords se tordaient en un ballet macabre dans les méandres de ma conscience. Un silence pesant régnait, mais l'atmosphère était tendue, nous exhortant à agir, à refermer cette satanée porte. Il fallait maintenir le moral à flot.

En un battement de cil, j'ai saisi la targette, poussant le pêne avec détermination, le faisant glisser rapidement entre ses deux étriers pour l'ancrer dans la gâche. J'avais l'impression de donner l'intégralité de mon être pour agir avec une rapidité qui surpassât même mon ombre. La peur me tenaillait, tout comme l'ardent désir de préserver la vie, tandis que l'adrénaline atteignait son paroxysme. À l’issue de cette mission, j'osais espérer donner un peu de répit à mon cœur qui était au bord de l'infarctus. Mais, à l'exact moment où la porte se referma, la femme s'acharna à la tambouriner, avec un rythme presque comique, comme si elle attendait une invitation pour entrer et partager une tasse de thé. Quelle calamité ! La panique générale s'est intensifiée, et chacun de nous se rua dans la chambre, l'endroit qui semblait le plus à l'abri de cette horreur. Nos sens étaient en alerte, et même nos respirations se sont perdues dans le silence.

La sorcière, à la fois dans le sens propre et figuré, tournoyait dans la cour. Pendant de longues minutes, il me semblait qu'elle faisait des allées et venues entre la porte et la cour avant de finalement s'éclipser, emportant avec elle les hululements des hiboux. Malgré la fatigue qui pesait sur nous, malgré nos paupières qui s'alourdissaient, personne n'était résolu à s'abandonner au sommeil. Les deux hommes étaient recroquevillés au sol, genoux contre leurs thorax, la peur ayant également eu raison d'eux. Même le plus courageux d'entre nous ne semblait plus enclin à faire des plaisanteries. À ce moment-là, dans l'obscurité du silence alourdi par la crainte d'une nouvelle visite inopinée, tout le monde remettait en question le bien-fondé de cette expérience.

« Pourquoi avoir voulu vivre une telle expérience, sérieusement ! À ce stade, c'est du masochisme », pensais-je avec un goût métallique dans la bouche. Après un long moment, j'ai senti que mon corps réclamait de plus en plus de satisfaire ses besoins primaires. Je me suis demandé si je pouvais me permettre un peu de sommeil. « De plus, je ne suis pas seul, les autres peuvent veiller sur moi », me suis-je rassuré du mieux que j'ai pu. Quant à la jeune fille, elle n'a pas tardé à succomber malgré la boule au ventre. Elle a fini par fermer les yeux et sombrer dans un profond sommeil sur un matelas étalé à même le sol. Nous n'avions pas de lit.

Après réflexion, j'ai choisi de lutter encore un peu, et vers 2 heures 30, sous la pression du froid et du silence de la nuit, mes deux compagnons et moi avons finalement décidé de nous laisser aller au sommeil. Une fois allongés, la fatigue était telle que nous avons frôlé le coma.  Nous ne nous sommes réveillés que le matin, sans savoir si la sorcière avait fait son retour.

(À SUIVRE)

Les faits relatés dans les histoires sont réels et ont été vécus par les narrateurs.

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