Johary Constellation « A Madagascar, le design est réduit aux arts décoratifs »
1 juillet 2024 // Mode & Design // 5398 vues // Nc : 174

A Madagascar, le design reste encore trop souvent réduit aux arts décoratifs. Ce constat a conduit le designer multidisciplinaire Domi Sanji à créer Johary Constellation en 2018. Ce collectif de recherche action rassemble la réflexion et la création. Le collectif organise le premier et seul festival de design Tana Design Week, et travaille actuellement pour l’ouverture de Ary Raha, une école de design à Madagascar.

Dans le cadre d’un master en design et innovation à l’ISCAM, Domi Sanji a participé pour la première fois à une recherche en design avec d’autres écoles internationales. Il s’est alors rendu compte que la conception du design à Madagascar reste très influencée par la France, une conception qui est différente dans d’autres pays. « A Madagascar, on associe le design aux arts décoratifs, comme en France. Mais dans d’autres pays, comme en Italie, le design est dans le département architecture. » Suite à ce constat, il décide de mener des recherches dans le contexte malgache, en gardant en tête qu’on crée pour des humains, et à partir des usages de la société, d’où la présence d’une dimension anthropologique. Plus tard, d’autres profils viennent compléter le collectif.

« Notre équipe est constituée de gens issus de plusieurs disciplines, on est ouvert à des anthropologues, des géographes, des étudiants en technologie, en programmation informatique, des artistes qui font de la musique, parce que c’est cette multidisciplinarité qui fait la richesse du design et qui fait aussi la richesse de Johary Constellation. Dans le collectif, nous sommes huit membres permanents, mais on invite des jeunes qui s’intéressent au design dans nos travaux, qui participe à chaque projet. Au fur et à mesure de notre approfondissement, on s’est dit que le design ne devait plus être centré sur l’Homme, le design était toujours anthropocentré, et maintenant on pense que le design devrait être biocentré. C’est la biodiversité qui devrait être au centre de la création. »

D’ailleurs, ce design biocentré fera la spécificité de Ary Raha, l’école de design que le collectif est en train de créer, et qui appliquera cette conjugaison entre réflexion et création, si chère au designer. « La pédagogie est composée de sept éléments, parmi lesquels le développement de la culture sur l’Histoire de l’art, du design, des techniques. Puis il y a un autre volet très technique sur comment représenter ses idées, des cours de dessin, 3D, peinture. Au niveau licence, ce sera un tronc commun pour tout le monde, c’est au niveau master que chacun va choisir son orientation selon son projet de mémoire, et un doctorat qui sera de la recherche pure. Il y aura aussi un DTS pour les artisans, avec le ministère de l’enseignement technique ».

L’école vise donc à revitaliser le patrimoine culturel pour en faire un levier de développement, pour accompagner les artisans vers l’excellence, connecter la dimension pratique et la dimension théorique, pour réveiller et révéler le génie malgache. Pour l’instant, le collectif est en train de sensibiliser les professeurs à Madagascar sure l’importance du design. En même temps, Johary Constellation continue à sortir le design malgache des arts décoratifs, avec l’Institut Civic City, des jeunes ont créé des lambahoany qui interpellent la mainmise des savoirs médicinaux autochtones par les grandes industries pharmaceutiques. Parfaite manifestation du design multidisciplinaire que le collectif défend. « Le design est systémique, on intervient au niveau du système et on le questionne, montrer ses failles et développer des alternatives. Le design c’est créer un système qui peut être graphique, spatial, un système d’objets, mais un système qui conjugue la science et l’intellect, et le manuel. »

Exposition : Ecole du non-savoir au CNAM Paris en février 2024

Propos recueillis par Mpihary Razafindrabezandrina
Facebook et Instagram : Johary Constellation

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Il fut un temps — pas si lointain — où le cinéma malgache était timide, réduit à quelques projections confidentielles et à des moyens de fortune. Depuis un certain temps – ironie du sort ou simple justice poétique – ce sont nos films qui s’invitent sur les écrans du monde et des festivals sur les cinq continents. Felana Rajaonarivelo, Kuro Mi qui ont été récemment primés dans des festivals internationaux. Avec cette nouvelle génération de cinéaste, Madagascar rafle les prix et, surtout, les regards.
Il fut une époque où parler de « cinéma malgache » provoquait un sourire poli, celui qu’on réserve aux rêves un peu fous. D’autres se moquaient ouvertement de ces productions de niveau abécédaire. Désormais, ces points de vue moqueurs s’effacent pour laisser place à l’admiration. Les images sont plus nettes, les scénarios plus affûtés, les voix plus assurées. On sent cette montée en gamme, cette fierté tranquille d’un art qui prend enfin confiance en lui. Et c’est beau à voir — comme une pellicule qu’on aurait enfin sortie du grenier pour la projeter au grand jour.
Certes, des défis restent à relever, notamment en matière d’infrastructures, de financements, de formation… mais le vent tourne. Et ce vent-là sent la créativité, la sueur, et un peu de ce grain de folie propre à nos conteurs. La Grande-île ne veut plus être simple figurant dans l’histoire du septième art. Madagascar s’installe, doucement mais sûrement, dans le rôle principal. Au fond, ce renouveau n’est pas qu’un phénomène culturel. C’est une déclaration : ici aussi, on sait raconter. Et mieux encore, le faire rêver.

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