Il est le premier photographe franco-malgache à être récompensé par le jury du World Press Photo dans la catégorie « Africa, long-term projects » pour « The Zebu War » (La guerre des zébus). Un travail commencé il y a presque huit ans en sillonnant le sud et l’ouest de l’île et qui fera l’objet d’une exposition dans le monde entier.
Le « World Press Photo », une consécration ?
On ne s’attend jamais à recevoir un prix, mais lorsqu’on présente son travail à un concours aussi prestigieux, on a toujours un peu l’espoir. On le fait parce qu’on estime que le travail mérite au moins d’être reconnu.
Selon le jury, mon travail met en avant un côté épique, une esthétique romantique pour donner de la dignité aux gens photographiés.
Je trouve qu’ils ont su décrire mon travail car depuis près de 20 ans, je n’ai pas changé, j’ai une vision très « humaniste » des choses.
« The Zebu War », les débuts de l’histoire ?
Je suis tombé par hasard sur ce sujet. L’année 2010 a marqué le début du trafic de zébus. Avant cela, on connaissait le vol de zébus, une pratique traditionnelle dans le Sud, chez les Atandroy, les Bara et les Antaisaka pour prouver sa virilité, quand on est un prétendant au mariage, devant la famille de la femme qu’on convoite.
Mais en 2012, le trafic de zébus a fait les gros titres des journaux quand l’opération Tandroka a commencé (à lire dans no comment®, numéro 39, mars 2013 et numéro 55, août 2014). Il y a eu une dépêche d’Amnesty International qui disait que des militaires de l’opération exécutaient des personnes sous prétexte qu’elles étaient des dahalo (voleurs de zébus) dans les montagnes d’Andrira dans le district de Betroka. C’est à ce moment-là, qu’avec Bilal Tarabey, correspondant de la RFI à l’époque, on s’est lancé dans cette histoire. Après avoir photographié les villages brûlés, j’ai voulu photographier les militaires et ensuite les dahalo.
Presque huit ans d’un long travail documentaire…
Ce n’est jamais simple. On ne vient pas comme ça avec son appareil photo. Il y a tout un travail de négociations, d’enquêtes pour être sûr de travailler dans de bonnes conditions. Par exemple, pour le reportage en 2020 avec Emre Sari, publié dans Geo Magazine, on est allé dormir dans des villages de gens considérés comme étant des dahalo par les autorités. Les négociations se sont faites deux ou trois mois plus tôt. Nous sommes passés par Louis Kasay, un notable de la région, un descendant des rois Sakalava avec donc une autorité morale. Les dahalo se soucient peu de l’autorité militaire ou de l’État. On avait donc besoin de son autorité pour mettre en place un pacte de non-agression avec les dahalo. On a été bien accueillis avec cette hospitalité traditionnelle de la brousse. Les gens savaient qu’on était des photojournalistes, ils voulaient juste qu’on ne dise qu’ils étaient des dahalo.
Le Sud, ta région de prédilection ?
J’y vais au moins deux fois par an. À chaque fois, j’en profite pour faire des photos pour alimenter mon projet. Par exemple, il y a une photo où l’on voit des dahalo assis sous un tamarinier, des fusils à la main. Je pensais que c’était le fokonolona (communauté villageoise) en pleine cérémonie de réconciliation avec d’autres villages. Je n’étais pas là-bas pour faire un reportage sur eux, mais je travaillais pour une ONG. J’ai pris place à côté d’eux et je leur ai demandé s’ils avaient déjà volé des zébus, ils m’ont dit oui. Ils viennent de Behahitse dans le district d’Ampanihy. Pour moi, l’histoire sur le zébu est un peu bouclée même si elle n’est jamais complètement finie puisque le vol de zébu est toujours d’actualité. Mais j’ai encore plein d’images que je voudrais faire dans le Sud.
Propos recueillis par Aina Zo Raberanto