Avec le lambahoany, l’un des tissus les plus traditionnels qui soient, Jean Rodriguez Rakotomamonjy, veut le moderniser. Un défi qu’il relève haut la main à travers sa marque Meva Sanjy qui a su s’imposer dans le milieu de la mode malgache depuis six ans.
Ses vêtements veulent être l’image de marque de Madagascar. « C’est par pur esprit patriotique que je suis entré dans le milieu de la mode. L’amour des vêtements et cette envie de promouvoir la culture malgache. » Meva ou Beau et Sanjy ou Style reflète cet idée de porter l’identité malgache avec style. « Sanjy est un mot Sakalava et Antakarana dans le nord de l’île. Même si je suis né à Tamatave, sur la côte est, j’ai passé la majorité de mon enfance dans le nord à Nosy-Be et Diégo-Suarez. » C’est toute cette richesse culturelle qu’il veut représenter dans ses vêtements. Mais l’une des raisons pour lesquelles, Rodriguez s’est également lancé dans la mode, c’est sa passion pour la musique. Quel est le lien direz-vous ? « J’aime particulièrement le rap. Et dans la culture américaine, la musique et la mode vont de pair. Je voudrais avoir cette vision à 360° dans la musique malgache.
C’est dommage que dans le milieu urbain à Madagascar, beaucoup d’artistes, surtout les jeunes, ne s’affichent pas encore avec les marques locales. Et notre objectif, c’est de pouvoir habiller les artistes malgaches qui peuvent exploser sur la scène internationale. Aujourd’hui, on a la chance d’être bien représenté par Shyn, Denise ou Big MJ mais aussi par les joueurs du Barea et même des ministres ! »
Et comme il le dit, le lambahoany se porte avec style. C’est le tissu qui renvoie directement à Madagascar même s’il travaille également le Soubaya, un autre tissu porté durant les événements traditionnels. La marque veut perpétuer cet héritage tout en apportant une touche de modernité. Bombers, jupes, robes, costumes… ces matières se déclinent à l’infini. Et le nouveau venu, ce sont les crocs, ces sabots en plastique très à la mode en ce moment, habillé par des motifs en lambahoany. Rodriguez les a baptisés « Zody » qui signifie vadrouiller ou se balader. Chaque collection porte un nom, par exemple Asara (Pluie) composée essentiellement d’une chemise en lambahoany et d’un pantalon uni à l’allure d’un pyjama mais qui se porte en ville. Ou encore, la collection Ririnina (Hiver) composée de doudoune en lambahoany pour homme et femme. « Dans la mode, il y a des collections printemps-été ou automne-hiver. Dans notre cas, nous avons décidé de baptiser nos collections en fonction des saisons à Madagascar. Au départ, nous avons également fabriqué des vêtements unisexes mais nous proposons aussi des vestes ou des bombers comme des crop top à la demande des femmes et des jeunes filles.»
Pour Meva Sanjy, il est important de faire une mise à jour du lambahoany en s’inspirant des directeurs artistiques des grandes marques comme Kim Johns de Dior ou Charaf Tajer de Casablanca. « S’inspirer et non copier bêtement. La touche malgache doit toujours être présente. On suit de près la mode internationale pour pouvoir être un jour au même niveau. Mais un de nos premiers objectifs, c’est d’attirer les gens à venir à Madagascar et de l’explorer. Et c’est possible de faire cela à travers les vêtements.» Et pour faire rayonner le pays à l’échelle internationale, Rodriguez ne jure que par la solidarité et une vision commune. « On souhaite collaborer avec tous les artisans et leur savoir-faire comme ceux des Zafimaniry, ceux qui travaillent les autres matières telles le raphia, les pierres… La beauté de Madagascar ne se résume pas uniquement aux vêtements. D’ailleurs, nous avons aussi lancé notre gamme de produits de décoration d’intérieur avec les coussins, les oreillers, les tableaux… »
Depuis six ans, la marque a fait son bonhomme de chemin malgré les difficultés rencontrées lorsqu’on décide de se lancer dans l’entreprenariat. Rivaliser avec les produits chinois n’a pas toujours été facile mais avec beaucoup de persévérance, c’est possible de développer son entreprise à Madagascar. « Au début, c’était compliqué de proposer des produits que l’on peut retrouver à Behoririka et qui coûtent plus chers. Les gens me disent souvent que c’est vita gasy mais c’est trop cher ! Même si je comprends que le pouvoir d’achat est relativement bas, je n’ai jamais voulu dévaloriser nos produits. Par exemple, j’ai décidé d’habiller les artistes gratuitement et aujourd’hui, j’ai constitué une clientèle fidèle. »
Selon Rodriguez, pour entreprendre, il faut se poser les bonnes questions, savoir avancer et ne jamais baisse les bras. « J’ai quitté mon poste dans les institutions publiques durant le confinement pour me consacrer entièrement à Meva Sanjy. Il faut savoir que j’ai fait des études en Marketing et Communication à l’Iscam, ensuite je suis parti pendant cinq ans à Shanghai où j’ai obtenu un Master en Administration des Affaires et entre temps j’ai aussi reçu un diplôme d’expert en gemmologie. Pour lancer cette marque, j’ai bien sûr appris les bases de la couture. Tout cela est réfléchi. Dans l’entreprenariat, il y a le succès mais il faut aussi prendre en compte tout le travail en arrière. Pour moi, c’est un sentiment de fierté d’avoir accompli quelque chose pour mon pays et cela n’a pas de prix. »
Propos recueillis par Aina Zo Raberanto