Quand la danse classique rencontre le krump, cela donne un duo explosif. Hasina Randriamiandrisoa et Fa Valitera ont présenté leur premier spectacle « Dépasse tes limites » à l’IFM (Institut français de Madagascar) à Analakely en juillet dernier, sous la direction artistique d’Adrien Rakotozafy et la conception de Tsiry Rajaobelison.
Personne n’aurait penser réunir ces deux univers qui à priori n’ont rien en commun. Le krump, c’est cette danse issue du ghetto de Los Angeles dans les années 2000 où régnait les violences policières, les problèmes de drogues. Le krump, c’est la rage de vivre. Il se caractérise par des mouvements énergiques, des grimaces, des sortes de convulsions en tout genre… Le contraire de la danse classique qui est plutôt dans la rigueur et la précision. Mais avec leur spectacle, ces danseurs malgaches prouvent qu’il est possible de rassembler deux mondes différents et de les faire vivre au-delà des préjugés. Car « Dépasse tes limites » nous fait réfléchir sur les normes imposées par la société pour nous empêcher d’être qui nous sommes.
Le projet est issu de trois mois de résidence durant lesquels Hasina et Fa ont appris à se connaître, à se surpasser tant physiquement que psychologiquement. « Je ne suis pas une danseuse purement classique, je danse de tout. De plus, c’était ma première création chorégraphique, moi qui ai l’habitude de ne faire que des shows. Pendant la résidence, on m’a fait comprendre que je performais trop. Je devais danser tout en racontant une histoire », confie Hasina. Un vrai challenge, car elle n’aurait jamais imaginé partager la scène avec un krumper. « Je détestais cette danse que je trouvais trop répétitive, mais en travaillant avec Fa, j’ai vu qu’il y avait de la technique et finalement j’ai trouvé ça très beau. »
Pour Fa, l’aventure a été plus spirituelle, plus intérieure. « Hasina m’a donné la motivation de continuer et de croire en ce que je fais. » Sur scène leur cohésion est palpable entre les pas de deux, les duels, deux corps portés par le rythme de la musique parfois classique parfois urbaine. « La danse me fait sentir vivante. J’aime la rigueur, ce désir de l’excellence. Quand je danse, mon corps devient une musique, c’est une sensation indescriptible », lance Hasina. Quant à Fa, le krump c’est vraiment « son truc. » Il participe à de nombreuses compétitions nationales et internationales dont il sort toujours vainqueur. Les ateliers, les collaborations avec des krumpers internationaux, ses propres recherches l’ont aidé à se forger une personnalité. « Je suis plutôt dans la technique et le contrôle. Mon nom de guerre, c’est Greed ou cupidité. Je transpose ce défaut dans le krump pour apporter quelque chose de positif »
Cette danse est très codée avec ses figures imposées comme le « stomp », quand les jambes battent le sol, le « chest » ou l’explosion du buste, le « jabs » qui est issu de la boxe avec le travail des bras. Tout comme la danse classique, le krump se base sur l’émotion. Et la musique y joue un rôle important. « Quand on écoute une musique de krump, si on fait une grimace, cela prouve que la musique est bonne. Depuis 2019, je suis beatmaker spécialisé dans le krump. J’ai sorti mon premier album sur les plateformes en ligne l’année dernière et beaucoup de krumpers internationaux dansent sur mes sons. Pour Dépasse tes limites, j’ai travaillé sur la musique avec Tsiry Kely Panda qui est également beatmaker. » À écouter sans limites
Aina Zo Raberanto