En trois ans d’activités, l’association Feoko (Ma voix) a sillonné 11 lycées de la Capitale à l’écoute des jeunes victimes de harcèlement et de discrimination. Malgré leurs campagnes de sensibilisation et les accompagnements, force est de constater que des cas de suicide de jeunes inondent les réseaux sociaux en ce moment, notamment des étudiants. Le président de l’association, Miharitiana Andriamitantsoa, estime alors qu’il est urgent d’étendre leurs activités.
En tant qu’influenceur, Miharitiana Andriamitantsoa n’est pas étranger au cyberharcèlement, mais sa patience a atteint ses limites en 2020 lors de la crise sanitaire. Confinée, la violence gratuite n’avait plus que les réseaux sociaux comme vecteur, transformés en une plateforme de harcèlement. « La personne derrière son écran peut tout dire, il peut tout avouer derrière un faux compte, mais c’est ton nom qui est bafoué », déplore-t-il. D’abord tétanisé, il a canalisé sa frustration à travers l’engagement. L’association Feoko a été fondée pour lutter contre les formes de discrimination et harcèlement, en ligne ou non. Les membres investissent les lycées dès leur réouverture. « La plupart des victimes et des bourreaux sont des jeunes. La plupart du temps, ils sont à l’école ou à la maison, et comme nous ne pouvons pas frapper à toutes les portes pour parler de harcèlement et de discrimination, nous avons décidé de travailler spécifiquement avec des lycées. C’est précisément à l’adolescence que les jeunes se posent des questions et se découvrent, par rapport à la religion, l’orientation sexuelle, et c’est là que nous sensibilisons et tenons des cellules d’écoute ».
Pour la démarche d’accompagnement, pas question de confier le sort des victimes à des amateurs, même si c’est la passion pour cette cause commune qui anime la centaine de membres actifs. Lui-même étant issu d’une formation en comédie dramatique et de coaching en développement personnel, Miharitiana Andriamitantsoa s’est très vite entouré d’une communauté de travailleurs sociaux qui définissent comment les membres vont procéder, ainsi que du slameur Feu Follet qui développe la slamothérapie avec l’association. Ces profils aboutissent à un mode opératoire unique en son genre à Madagascar. « En général, les responsables des établissements sont déjà au courant, mais ne peuvent pas gérer la santé mentale des élèves faute de temps, ils se concentrent sur les performances académiques. Alors, nous sommes toujours bien accueillis pour s’occuper des problèmes de harcèlement et de discrimination. Nous convenons d’une date pour les cellules d’écoute et la sensibilisation. Nous restons sur place pendant la récréation pour ceux qui veulent s’entretenir avec nous en personne. Après, nous réalisons un suivi pour voir si la situation évolue pendant les prochains mois suite aux solutions proposées. »
Résultat, l’association a pu relever les formes d’agression les plus courantes, même si c’est difficile de les documenter de façon quantitative, comme en témoigne Miharitiana Andriamitantsoa. « A part les surnoms, il y a des élèves qui se plaignent de problèmes familiaux, mais il y a aussi des cas plus graves comme le viol, l’inceste, il y a même ceux qui nous appellent à 23 heures pour dire qu’ils sont sur le point de sauter du pont de Tanjombato, nous gérons ces cas ». Même si Feoko n’a pas pu empêcher un suicide en 2021, c’est en étant encouragée par les vies sauvées que l’association projette de pacifier les universités cette année.
Selon les dernières données de l'OMS publiées en 2020, les décès par suicide à Madagascar ont atteint 1,476 ou 0.90% des décès totaux.
58 % des jeunes indiquent avoir subi de la violence à l’école. Les filles représentent 53.7 % contre 46.7% de garçons.
Source : Etude sur les violences envers les enfants à Madagascar .
Alors que plus de la moitié des jeunes affirment avoir subi des violences en milieu scolaire, près d’un jeune sur trois, en particulier chez les garçons, voit le châtiment corporel comme un moyen acceptable de discipline.
Source : Etude sur les violences envers les enfants à Madagascar .
L’utilisation de la violence physique selon les répondants serait plus fréquente pour les enfants de 5 à 9 ans et moindre à partir de 12 ou 13 ans, la crainte d’une potentielle riposte en particulier des garçons inhibant le comportement du personnel scolaire. La violence physique entre pairs est également largement soulignée par le personnel scolaire cependant elle est à 49% perçue comme un jeu par ces derniers.
Source : Etude sur les violences envers les enfants à Madagascar.
Le châtiment corporel est encore largement accepté ou toléré comme pratique permettant de discipliner les enfants dans la société malgache. 89% des jeunes interrogés déclarent en avoir été victimes.
Source : Etude sur les violences envers les enfants à Madagascar .
Propos recueillis par Mpihary Razafindrabezandrina