Situé à une vingtaine de kilomètres de la Capitale, le centre hospitalier de santé mentale Saint Benoît Menni à Imerintsiatosika accueille des personnes de toute l’Île et même de l’étranger pour bénéficier d’une prise en charge. Selon les statistiques en termes d’hospitalisation, la schizophrénie est le premier trouble représentant 30 à 35 % des admissions, suivies des addictions et de la dépression. La moyenne d’âge toute pathologie confondue se situe entre 32-33 ans. Pour comprendre ce qu’est la santé mentale, il faut se référer à la définition de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) : la santé mentale est un état de bien-être qui nous permet d’affronter les sources de stress de la vie, de réaliser notre potentiel, de bien apprendre et de bien travailler, et de contribuer à la vie de la communauté. « Avoir une bonne santé mentale, c’est donc trouver un équilibre entre le physique, le psychique et le social » affirme Dr Christian Ramparany, directeur médical au sein du centre hospitalier Saint Benoît Menni. La 31ème journée mondiale de la santé mentale est célébrée le 10 octobre et cette année, elle sera sous le thème « La santé mentale est un droit humain universel. » « Le domaine de la santé mentale concerne tout le monde, car nous n’avons pas les mêmes capacités à faire face au stress du quotidien. Personne n’est à l’abri d’une pathologie mentale. Il n’y a aucune distinction de classe sociale ou de genre. »
À Madagascar, le volet de la santé mentale est le parent pauvre de la médecine. Le pays ne compte que 22 psychiatres pour environ 28 millions d’habitants alors que la norme préconisée par l’OMS est de 1 psychiatre pour 30 000 habitants. Malgré les clichés vis-à-vis des psychiatres considérés comme des prescripteurs de médicaments surtout dans les années 60-70, aujourd’hui, les recherches prouvent que la prise en charge ne doit pas se limiter aux médicaments. En termes de pathologie, l’apparition des troubles mentaux est causée par plusieurs facteurs notamment la prédisposition génétique, mais aussi les facteurs environnementaux (vivre en permanence dans le stress, une situation familiale difficile, le chômage, le harcèlement moral ou sexuel au travail ou scolaire…) « Dans certaines pathologies, les premières lignes de traitement ne sont pas la médication. Par exemple, pour le cas de dépression chez les jeunes ou les enfants, la prise en charge commence par la psychothérapie, l’approche psychosociale et l’accompagnement des parents. Il en est de même pour les troubles anxieux, ce seront des thérapies cognitivo-comportementales, apprendre à la personne à utiliser ses propres ressources pour faire face au stress du quotidien» Il est à noter que la santé mentale est encore mal perçue au niveau de la société malgache. « Nous sommes dans une société où il y a encore des tabous et des croyances sur les pathologies mentales. Il y a également la honte de la famille vis-à-vis de l’entourage. Les gens n’ont plus la capacité de réfléchir et de s’informer et tombent facilement dans le jugement. » Raison pour laquelle, le centre se tourne aussi vers la sensibilisation et surtout la prévention. « Nous organisons des événements culturels hors les murs de l’hôpital, et nous sommes aussi sollicités à participer à des émissions radiophoniques ou télévisées. Dernièrement, nous avons décidé d’aller vers les écoles, d’abord locales aux alentours d’Imerintsiatosika et d’élargir vers les écoles en ville. Il faut savoir que les troubles mentaux débutent généralement à l’adolescence. »
Selon les statistiques en termes d’hospitalisation, la schizophrénie est le premier trouble représentant 30 à 35 % des admissions, suivies des addictions et de la dépression. La moyenne d’âge toute pathologie confondue se situe entre 32-33 ans. Pour un patient, le séjour moyen est de 15 jours. Certains restent une semaine ou plusieurs mois en fonction de l’évolution de leur état de santé.
Rado*, 24 ans, en cure de désintoxication à cause de l’héroïne. En plus d’être dépressif, sa consommation est causée par un manque d’affection de la famille. Il est venu de son plein gré au centre, conscient que les relations avec ses proches et ses amis se sont détériorées. Pour Rado*, les quatre premiers jours sont les plus difficiles. Son rêve : retrouver sa vie d’avant.
Les traces des piqûres sur les bras de Rado*. Le jeune homme nous confie avoir également testé la cocaïne et la méthamphétamine.
Cette mère accompagne son fils, Johary*, 35 ans, qui est admis au centre hospitalier Saint Benoît Menni depuis quelques semaines, après avoir déjà fait des séjours à Anjanamasina. Il se cache sous la couverture pendant que sa mère nous explique les raisons de son admission. D’après sa mère, Johary* fume beaucoup de « cigares » depuis l’âge de15 ans et maigrit à vue d’œil.
Après le déjeuner, les patients prennent leurs médicaments dans la salle de soin.
Après le déjeuner, les patients prennent leurs médicaments dans la salle de soin.
Les patients ont droit à une petite pause dans la cour avant de reprendre les activités vers 14h30. Certains jouent de la guitare ou chantent. Les jeunes ont du talent
L’accompagnement n’est pas uniquement sous forme de médication. Ici, un jeune homme atteint d’autisme pose son bras sur l’épaule de Bruna Hobinarindra, étudiant en psychologie sociale, qui lui fera faire quelques tours dans le centre.
Un monsieur qu’on nommera Jean amené au centre par des Sœurs. Il a vécu en errance pendant presque une dizaine d’années ducôté de Tsiroanomandidy. Il parlait tout seul et mettait souvent le désordre dans les marchés. Durant ses moments de lucidité, il confiait avoirété victime de cambriolage. Sa femme et ses enfants ont été tués par des dahalo. (voleurs de zébus).
« Jean » suit des séances d’ergothérapie avec Mbolatiana, étudiante qui prépare son mémoire de Maîtrise en ergothérapie spécialisée dans la santé mentale. Elle utilise des outils comme les jeux qui lui permettront d’établir une évaluation. Elle pourra, par la suite, proposer un programme adapté à la pathologie de la personne pour l’aider à la réinsertion sociale.
La famille doit aussi se remettre en question car les troubles peuvent aussi être causés par l’environnement familial. Les proches sont également prises en charge comme c’est le cas durant cette séance d’écoute et de partage qui se déroule tous les vendredis avec Bruna Hobinarindra, étudiant en psychologie sociale et animateur en art-thérapie.
La prise en charge ne se limite pas aux médicaments. Les différentes pathologies sont « traitées » grâce à l’art-thérapie. C’est un processus thérapeutique qui aide à améliorer la santé mentale des personnes à travers une meilleure gestion des émotions. Chaque vendredi, les patients suivent une activité d’expression corporelle dispensée par Sylvain Bridet-Lamoureux, art-thérapeute.
*Pour le respect des personnes, leurs noms ont été changés.
Texte : Aina Zo Raberanto
Photos : Andriamparany Ranaivozanany